Radicalisation au Maroc : le BCIJ alerte sur l’évolution des profils jihadistes

Majdi Fatima Zahra

Le 19 février dernier, les services du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) annonçaient le démantèlement d’une cellule terroriste affiliée à l’organisation État islamique, précisément à sa branche sahélienne, la wilayat al-Sahel. Une opération menée avec une précision chirurgicale dans plusieurs villes marocaines, et qui a mis en lumière l’évolution inquiétante des réseaux jihadistes dans la région. Pour Cherkaoui Habboub, directeur du BCIJ – souvent surnommé le « FBI marocain » –, la menace est plus insidieuse que jamais.

Des profils jihadistes en mutation
« Il est devenu extrêmement difficile de dresser un profil type des Marocains enrôlés dans des groupes jihadistes », affirme Habboub. Autrefois, les recrues affichaient des signes reconnaissables , jeunes issus de quartiers marginalisés, en rupture sociale ou attirés par des discours religieux radicaux diffusés dans certaines mosquées ou en ligne. Aujourd’hui, le spectre s’est élargi , étudiants, salariés, diplômés, mineurs, femmes… Tous peuvent être ciblés.

Le BCIJ observe une évolution notable dans les modes de recrutement. Les réseaux jihadistes misent désormais sur la désintermédiation idéologique, exploitant les vulnérabilités psychologiques et les frustrations individuelles via les réseaux sociaux, les plateformes de messagerie cryptée et parfois même les jeux vidéo en ligne. « Le processus de radicalisation est plus rapide, plus digitalisé, et plus difficile à détecter », prévient Habboub.

Le Sahel : un foyer d’instabilité aux portes du Maroc
Ce nouveau coup de filet intervient dans un contexte régional explosif. Depuis plusieurs années, la région du Sahel est devenue un épicentre de l’insécurité, notamment avec la montée en puissance de groupes affiliés à Daech et Al-Qaïda. Le Maroc, de par sa proximité géographique et son engagement actif dans la lutte antiterroriste, est directement concerné par cette évolution.

Selon le BCIJ, les groupes terroristes opérant dans le Sahel cherchent non seulement à renforcer leur présence dans les zones frontalières du Mali, du Niger et du Burkina Faso, mais aussi à étendre leur réseau logistique et de recrutement vers le nord, jusqu’au Maghreb. C’est dans cette optique qu’un ressortissant libyen, identifié comme le chef de la cellule démantelée en février, tentait de nouer des contacts et de tisser des ramifications au Maroc.

Prévention, renseignement et coordination

Face à cette menace mouvante, le Maroc continue de miser sur une approche globale : anticipation par le renseignement, intervention rapide et déradicalisation à long terme. Le BCIJ, reconnu internationalement pour son efficacité, travaille en étroite coordination avec les services de sécurité européens, africains et américains. Il s’appuie également sur un maillage national de surveillance, incluant la DGST (Direction générale de la sûreté du territoire) et des unités locales formées à la détection des signaux faibles de radicalisation.

Mais pour Habboub, la vigilance citoyenne reste indispensable. « La lutte contre le terrorisme ne se gagne pas seulement dans les bureaux du renseignement. Elle se joue aussi dans les foyers, les écoles, les mosquées et sur les réseaux sociaux. »

Le démantèlement de la cellule affiliée à Daech-sahelienne n’est pas un cas isolé, mais un symptôme d’une menace persistante et polymorphe. Dans ce contexte, le Maroc apparaît comme une cible potentielle autant qu’un rempart stratégique. Il lui revient de continuer à innover dans ses méthodes, à renforcer sa coopération internationale, et à investir dans les outils de prévention pour faire face à une menace qui, de plus en plus, échappe aux anciens schémas.

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