Depuis que Donald Trump a lancé sa guerre commerciale contre la Chine durant son mandat présidentiel, l’économie mondiale a basculé dans une ère d’instabilité stratégique et de réalignements forcés. Si ce bras de fer sino-américain semblait initialement cantonné aux deux géants, ses répercussions se sont vite étendues à d’autres régions du globe, notamment en Afrique, devenue un théâtre discret mais crucial de cette rivalité.
Une guerre lointaine aux effets bien réels
Pour les économies africaines, les conséquences de cette guerre commerciale ne sont ni abstraites ni lointaines. Elles se traduisent par des chaînes d’approvisionnement perturbées, des hausses de coûts sur les produits importés, une pression accrue sur les exportations africaines vers les marchés occidentaux, et une incertitude prolongée quant à la stabilité des accords commerciaux bilatéraux.
Des pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Kenya ou encore le Maroc — qui entretiennent des relations commerciales structurées aussi bien avec les États-Unis qu’avec la Chine — doivent aujourd’hui naviguer entre deux pôles de puissance dont les priorités ne coïncident plus avec les principes du libre-échange multilatéral.
Le piège de la dépendance
La dépendance africaine à l’égard de la Chine, notamment en matière d’infrastructures, de financement et d’importations manufacturières, place de nombreuses capitales africaines dans une posture délicate. Sous pression américaine, certains gouvernements se retrouvent contraints de revoir leurs partenariats ou de faire preuve de plus de transparence dans leurs accords avec Pékin — au risque de compromettre des projets stratégiques ou de s’attirer les foudres de leurs bailleurs de fonds occidentaux.
Washington, de son côté, multiplie les initiatives pour contrer l’influence chinoise, à travers des programmes comme Prosper Africa ou Build Back Better World (B3W), qui visent à offrir une alternative occidentale aux financements chinois. Mais ces projets peinent encore à convaincre sur le terrain, tant en termes de financement que de rapidité d’exécution.
Vers un nouvel ordre commercial ?
Pour s’adapter à ce nouvel environnement, certaines économies africaines misent sur la diversification. Le Maroc, par exemple, renforce ses partenariats avec l’Union européenne et le Moyen-Orient, tout en développant une politique industrielle tournée vers la valeur ajoutée (automobile, aéronautique, énergies renouvelables). Le Rwanda, lui, mise sur les technologies et les services numériques pour attirer de nouveaux investisseurs.
D’autres pays parient sur la mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), espérant ainsi réduire leur exposition aux marchés extérieurs en stimulant les échanges intra-africains.
l’Afrique entre vulnérabilité et opportunité
La guerre commerciale initiée par Donald Trump a ouvert une phase d’incertitude économique à l’échelle mondiale. Pour l’Afrique, elle représente à la fois une vulnérabilité et une opportunité. Vulnérabilité, car elle expose les fragilités d’un modèle économique trop dépendant des puissances extérieures. Opportunité, car elle oblige les États africains à repenser leurs priorités, à renforcer leur souveraineté économique, et à bâtir des alliances fondées sur leurs intérêts stratégiques propres.
Alors que les États-Unis réaffirment leur présence sur le continent et que la Chine ajuste sa stratégie africaine, l’Afrique peut — si elle saisit le moment — devenir un acteur et non plus un simple enjeu dans la recomposition du commerce mondial.