Les services de sécurité marocains ont annoncé, à la fin du mois de février, le démantèlement d’une cellule terroriste opérant sous la bannière de l’État islamique au Sahel. Cette cellule, selon les autorités, était dirigée par un ressortissant libyen, Abderrahmane Sahraoui, figure bien connue des milieux jihadistes de la région. Une arrestation qui relance les interrogations sur la stratégie d’expansion de l’État islamique en Afrique de l’Ouest, et notamment sur une possible extension de son action vers le nord, en direction du royaume du Maroc.
Depuis plusieurs années, le Sahel est le théâtre d’une insécurité chronique alimentée par des groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique. Si le Niger, le Mali et le Burkina Faso sont les principales victimes de cette instabilité, le spectre de l’extension vers les pays côtiers du golfe de Guinée – comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou encore le Togo – est devenu une réalité tangible. Mais l’idée que le Maroc, relativement épargné jusqu’ici, puisse être visé, marque un tournant stratégique.
Selon les analystes, le royaume chérifien est un pays-clé dans la lutte antiterroriste en Afrique du Nord et un partenaire de premier plan des services occidentaux. Il dispose de services de renseignement efficaces, régulièrement salués pour leur coopération proactive. Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), bras armé de la lutte contre le terrorisme au Maroc, a acquis une réputation solide en matière de détection précoce des menaces.
Mais cette efficacité en fait aussi une cible. Pour l’État islamique, frapper le Maroc serait une manière de répliquer à la pression constante exercée sur ses réseaux au Sahel, tout en frappant un symbole de stabilité dans une région secouée. Abderrahmane Sahraoui, à la tête de la cellule démantelée, aurait eu pour ambition de constituer des bases logistiques et d’enrôler de nouveaux adeptes sur le territoire marocain, selon des sources sécuritaires.
En réalité, le danger ne vient pas uniquement d’attaques coordonnées depuis l’étranger, mais aussi du risque de radicalisation locale, amplifié par Internet, les réseaux sociaux et certaines zones marginalisées. Le défi est donc double pour le Maroc : renforcer encore son dispositif de prévention, tout en s’attaquant aux racines sociales et économiques de la radicalisation.
Ce démantèlement intervient dans un contexte régional marqué par la reconfiguration des alliances sécuritaires. Le départ des forces françaises du Mali, la montée en puissance des groupes paramilitaires russes comme Wagner, et les tensions entre États sahéliens et leurs voisins, complexifient la cartographie du terrorisme régional. Le Maroc, fort de son expertise, pourrait jouer un rôle croissant dans cette nouvelle donne.
L’affaire Sahraoui n’est peut-être qu’un signal. Un avertissement que la guerre contre le terrorisme n’a pas de frontières fixes, et que la vigilance, même dans les pays considérés comme sûrs, reste une nécessité permanente.