Polisario-Alger : divorce en douce ou simple scène de ménage géopolitique ?
Youssef Lafrej
Le Front Polisario a récemment annoncé la fin des fonctions de son représentant en Algérie, Abdelkader Taleb Omar. Officiellement, tout va bien dans le meilleur des mondes saharo-diplomatiques : poignées de main, cérémonie d’adieu, sourires crispés et quelques mots doux échangés avec Abdelmadjid Tebboune. Officieusement ? C’est un peu comme un couple en crise qui publie encore des photos ensemble sur Instagram pour sauver les apparences. Car derrière les accolades et les protocoles feutrés, c’est bien une odeur de roussi politique qui émane de cette réaffectation surprise.
La fameuse “promotion” de Taleb Omar au sein de la “structure organisationnelle” du Polisario — comprendre : un placard doré avec vue sur le néant — n’a pas convaincu grand monde. Ni les observateurs, ni même certains membres du mouvement séparatiste eux-mêmes, de plus en plus nombreux à se poser la question qui fâche : le soutien algérien est-il en train de s’évaporer ? Car, soyons clairs : sans l’Algérie, le Polisario, c’est un peu comme un théâtre sans public. Beaucoup de décors, très peu d’action.
Les raisons de cette mise à l’écart sont multiples. Il y a d’abord les critiques internes algériennes. À force de jouer au parrain politique, Alger commence à fatiguer. Financer, loger, armer, promouvoir un mouvement qui multiplie les violations des droits humains dans les camps de Tindouf tout en s’invitant dans les affaires internes algériennes ? Même le FLN n’avait pas prévu une telle longévité pour cette pièce géopolitique mal ficelée. Et quand des voix commencent à qualifier le Polisario de « fardeau diplomatique », ce n’est jamais bon signe.
Selon Hassan El Idrissi, chercheur en relations internationales, ce départ est tout sauf anodin. Il serait le symptôme d’un refroidissement diplomatique soigneusement emballé dans du papier cadeau institutionnel. Exit les grandes déclarations de fraternité révolutionnaire, place à la gestion des dégâts. L’Algérie, confrontée à des pressions économiques, sécuritaires et internationales, semble prête à revoir les termes de sa “solidarité éternelle”.
Et ce n’est pas tout. Des sources murmurent qu’Alger envisagerait de restreindre certains privilèges accordés aux dirigeants du Polisario : moins de résidences confortables, de passe-droits logistiques, et surtout, de tribunes politiques. La coupe est pleine, semble-t-il, surtout après des déclarations jugées « intrusives » de la part de responsables du Polisario. Imaginez des invités qui, après 50 ans de squattage, commencent à critiquer le choix des rideaux chez leurs hôtes…
Mais faut-il s’attendre à une rupture brutale ? Peu probable. On parle plutôt d’une « neutralisation contrôlée ». Une manière élégante de dire : “on ne vous jette pas dehors, mais fermez-la un peu”. Une stratégie qui permettrait à Alger de sauver la face tout en préparant, en coulisses, une sortie progressive du bourbier saharien. Car le vent tourne, et l’initiative marocaine d’autonomie a de plus en plus la cote, y compris auprès de grandes puissances qui commencent à ranger le romantisme séparatiste dans la boîte à souvenirs des années 70.
Le Polisario, de son côté, tente de faire bonne figure. Mais difficile de cacher l’odeur de poudre quand le feu couve sous les tentes. De plus en plus isolé, contesté jusque dans ses bastions, il semble aujourd’hui prisonnier de son propre scénario. Un mouvement né dans les discours révolutionnaires, et qui risque fort de finir dans une note de bas de page diplomatique.
Alors, divorce ou pause stratégique ? Peu importe le terme : le mythe s’effrite, le rideau tombe. Et pour le Polisario, l’après-Taleb Omar ressemble moins à une nouvelle aventure… qu’à un long générique de fin.