Le Polisario au bord du gouffre : quand le mirage révolutionnaire vire au mauvais théâtre
Aradane Majda
Depuis quelque temps, les salons feutrés de la géopolitique bruissent d’une rumeur tenace : et si le Polisario finissait comme le PKK ? Pas en devenant un parti politique crédible, non — il ne faut pas rêver —, mais en déposant (enfin) les armes, rangeant les slogans usés, et tirant un trait sur ses ambitions de guérilla tropicale à l’ère des drones et des sommets de Davos.
Car oui, l’idée fait son chemin , traiter le Polisario non plus comme un interlocuteur légitime, mais comme ce qu’il est devenu à force de s’entêter — une milice poussiéreuse, sponsorisée à l’arrière-boutique par Alger, et dont les méthodes relèvent plus du manuel de sabotage que du cahier des charges onusien. La comparaison avec le PKK n’est pas nouvelle, mais elle gagne en pertinence. La différence ? Le PKK a lu le vent de l’histoire. Le Polisario, lui, continue de jouer au maquisard romantique dans le désert, avec les armes rouillées de la guerre froide et les discours déconnectés d’une époque qui ne l’écoute plus.
Le premier facteur de cette perte de légitimité est justement… la légitimité. Car il faudrait peut-être rappeler, à ceux qui feignent de l’ignorer, que le Polisario n’a jamais représenté tous les Sahraouis. Il a surtout représenté une idée , celle, commode, d’un caillou jeté dans la chaussure du voisin marocain par une Algérie plus préoccupée par sa diplomatie de nuisance que par le sort de ses propres citoyens.
Aujourd’hui, même les plus indulgents commencent à froncer les sourcils , drôles de “libérateurs” que ces hommes qui menacent d’attaquer des investissements américains, français ou émiratis au Sahara. On croyait qu’ils voulaient la paix, ils veulent surtout rester les gardiens d’un mirage devenu business lucratif — celui des aides humanitaires détournées et de la victimisation éternelle.
Quant à l’Algérie, fidèle au poste, elle continue d’arroser le Polisario de logistique, d’armement, et de vieux discours non-alignés qui datent de Boumédiène. Mais même au Sahel, le stratagème ne prend plus. Le Mali, le Burkina Faso, le Niger — ces pays qui connaissent vraiment le terrorisme — n’ont plus aucun mal à qualifier l’Algérie de “sponsor régional du désordre”, et voient dans le Polisario un facteur de déstabilisation, pas de libération.
Et pendant ce temps-là, le Maroc avance. Calmement, stratégiquement. Sa proposition d’autonomie sous souveraineté, naguère raillée, est désormais soutenue par une majorité croissante d’États membres de l’ONU. Genève en parle, Washington l’appuie, Paris tousse mais ne contredit plus, et même des pays africains autrefois tentés par la “neutralité” basculent du côté du réalisme.
Alors oui, le Polisario pourrait, comme le PKK, faire le choix du dialogue. Mais encore faut-il avoir une base sociale, une structure crédible, et un minimum d’autonomie intellectuelle. Or, il faut bien l’avouer , sans la perfusion algérienne, le Polisario n’est qu’un décor de carton-pâte, une figuration tragique dans un théâtre déserté.
D’ailleurs, si les dirigeants du Polisario veulent vraiment imiter Öcalan, qu’ils commencent déjà par relire ses lettres depuis sa prison turque. Ils y apprendront que la révolution ne se décrète pas à coups de kalachnikovs et de conférences à Alger, mais qu’elle se construit dans le compromis, le courage, et l’écoute de son peuple.
Bref, l’heure est peut-être venue pour le Polisario de ranger les costumes de libérateurs en peau de chameau, et d’entrer — s’il en est encore capable — dans le XXIe siècle. Parce qu’à force de rejouer la même pièce dans un théâtre vide, on finit par se rendre compte qu’on n’est plus acteur… mais simple marionnette.