Quand le radicalisme devient belge : Bernard Quintin sort (enfin) la boîte à outils législative

Mahdi Fatima Zahra

Bruxelles, ville des frites, des institutions européennes… et apparemment, du frérisme soft power, selon un récent rapport français. Ce dernier, commandé dans l’Hexagone pour évaluer l’influence des Frères musulmans, ne s’est pas gêné pour désigner la Belgique comme un “carrefour européen de la mouvance frériste”. Autant dire que chez nos voisins, on voit dans Bruxelles autre chose que des gaufres et des eurocrates.

Face à ce pavé jeté dans la mare institutionnelle, Bernard Quintin, notre ministre de l’Intérieur, a pris un air grave – sans pour autant perdre le nord – pour annoncer en séance plénière de la Chambre une initiative quasi historique : un cadre juridique pour interdire les organisations radicales. Oui, vous avez bien lu. Mieux vaut tard que jamais.

Quand la Belgique découvre le mode “prévention”

Il faut dire que le rapport en question n’a pas ménagé notre plat pays. Entre l’“action publique morcelée”, le manque de “leviers juridiques”, et une retenue politique frisant le yoga institutionnel, il en ressort un tableau flatteur comme une grève de trains : la Belgique, vulnérable, passive, et particulièrement perméable aux influences religieuses et militantes sous couverture associative.

Les suspects habituels ? Des structures connues, parfois les mêmes déjà pointées du doigt dans le rapport du Comité R. d’il y a trois ans – comme quoi, la mémoire institutionnelle existe, mais à vitesse de tortue asthmatique.

Le ministre se réveille… mais avec sérieux

Bernard Quintin assure prendre tout cela “très au sérieux”. Il a interrogé les services de renseignement, mobilisé l’OCAM (qui, au passage, n’a rien trouvé de neuf, mais ça n’a jamais empêché de légiférer, n’est-ce pas ?), et contacté son homologue français pour lui signifier qu’ici aussi, on sait froncer les sourcils quand il faut.

Et puis il y a cette phrase, digne d’un slogan de campagne sécuritaire :

“Il n’y a pas de place dans notre pays pour l’extrémisme et le radicalisme.” Formidable. Il ne reste plus qu’à vérifier qu’il y a effectivement de la place dans la loi pour faire respecter ce noble principe.

Samidoun, l’oubli (ou pas) stratégique

Petite subtilité cependant : l’accord de gouvernement ne mentionne pas les Frères musulmans, mais cible plutôt Samidoun, une organisation pro-palestinienne interdite en Allemagne pour ses liens présumés avec le Hamas. Une manière subtile de dire : on interdit déjà, voyez, on n’est pas à la traîne ! Tout en évitant de mettre les pieds dans le plat brûlant du débat islamiste au cœur des communautés belges.

À quand une politique cohérente ?

Car au fond, c’est bien cela le problème : une Belgique tiraillée entre l’hospitalité multiculturelle et la naïveté administrative. Entre la liberté d’association et la nécessité de protéger l’ordre public. Entre les grands principes et leur application concrète.

La question n’est pas seulement juridique. Elle est aussi politique, morale et existentielle : peut-on rester une démocratie ouverte tout en refusant d’être le paillasson idéologique de mouvements qui, justement, rêvent d’en fermer les portes ?

Bernard Quintin sort les grands mots, les rapports français lui servent de miroir grossissant, et l’on attend désormais si les actes suivront le discours. En Belgique, la lutte contre le radicalisme ressemble parfois à une pièce de théâtre… mais sans levée de rideau.

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