Hervé Jamar raccroche les gants (dorés) : retraite paisible à 60 ans, polémique assurée à 100 à l’heure

Intisar Azmizam

Il y a ceux qui prennent leur retraite à 67 ans, usés jusqu’à l’os après une vie à pointer. Et puis il y a Hervé Jamar, 60 ans, ex-ministre, ex-parlementaire, et bientôt ex-gouverneur de la province de Liège, qui tire sa révérence avec élégance, foie greffé et agenda allégé. Un choix de vie, dit-il. Un choix de caste, pensent d’autres.

Après 40 ans de service public – ou disons, de vie au service de la République et des républicains (libéraux) –, Jamar décide de ralentir la cadence, ce qui, en langage politique, signifie : “je pars avec ma pension complète et mes souvenirs”. Lui-même le reconnaît : “On oublie qu’on existe. J’ai envie d’être grand-père, papa, compagnon.” Et manifestement, retraité précoce aussi.

La procédure de remplacement est en cours – une formalité dans l’État fédéral belge où tout prend trois mois et une réunion inter-cabinets. En attendant, Jamar reste aux commandes. Doucement.

Une sortie feutrée, des critiques bruyantes

Certains saluent la sagesse d’un homme qui a frôlé la mort et préfère désormais savourer la vie. D’autres, moins tendres, y voient le symbole parfait de l’injustice sociale : une élite politique qui s’autorise une pause pendant que le citoyen lambda voit ses conditions de retraite se durcir comme un pain rassis.

François De Smet, ancien président de DéFI, a sorti la sulfateuse :

“Demander à tout le monde de travailler jusqu’à 67 ans, réduire les pensions et laisser un gouverneur prendre une confortable retraite à 60 ans, c’est du foutage de gueule.”

 

Des chiffres et des nerfs

Alors que les travailleurs belges s’épuisent dans des métiers pénibles jusqu’à un âge canonique, Hervé Jamar touchera près de 2 900 euros nets mensuels, puis environ 4 000 euros de pension dès ses 63 ans. Pas de parachute doré, assure-t-il. Juste le régime spécial habituel. Le système, c’est lui.

On notera avec intérêt qu’il ne “percevra aucune indemnité de départ”, comme s’il s’agissait là d’un acte héroïque. On l’applaudirait presque pour ne pas avoir réclamé une prime pour quitter un poste qu’il a choisi d’abandonner.

La retraite, privilège ou mirage ?

Cette sortie pose donc une question qui fâche : quand le service public devient un privilège, que reste-t-il de l’exemplarité ? Dans un pays où les caisses sociales grincent et où les gouvernements peinent à convaincre les jeunes de cotiser pour un futur incertain, le départ serein d’Hervé Jamar ressemble moins à une retraite qu’à une fuite en hélicoptère depuis le toit du Titanic.

Mais après tout, il l’a mérité, non ? Quarante ans de bons et loyaux services, quelques lois votées, des décrets parafés, et un foie tout neuf. Il ne manquera plus que la médaille du mérite… et une place en une du Moniteur belge pour services rendus à la tranquillité administrative.

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