Quand l’ambassadeur prend la fuite : diplomatie algérienne cherche dignité désespérément

Bouchaib El Bazi

Le ridicule ne tue pas. C’est un fait, une chance, et surtout un fondement tacite de la diplomatie algérienne contemporaine. Le dernier épisode en date aurait pu être un scénario refusé par Netflix pour excès d’absurdité : l’ambassadeur d’Algérie à Paris, rappelé officiellement par Alger dans un moment de tension géopolitique digne d’un mauvais remake de la Guerre froide, a décidé… de rester à Paris. Tranquille. Comme s’il s’agissait d’un simple changement de programme de vacances.

L’information a été dévoilée par nul autre que Saïd Bensedira, youtubeur à la solde du régime, dont les révélations ont parfois le goût du complotisme, mais cette fois, difficile de nier : même lui n’en revient pas. L’ambassadeur aurait invoqué le droit d’asile, non pas parce qu’il serait menacé, mais parce qu’il juge son propre pays « invivable ». Un verdict sans appel, signé par l’un de ses plus hauts représentants à l’étranger. À ce niveau de cynisme, on ne parle plus de diplomatie, mais de fuite organisée.

La France, fidèle à son pragmatisme légal, a poliment refusé d’accueillir ce nouveau réfugié de luxe. Motif : difficile de plaider la persécution quand on a passé des années à représenter le régime qu’on accuse soudain de tyrannie. L’ambassadeur se retrouve donc dans un entre-deux kafkaïen : plus vraiment diplomate, pas encore clandestin, suspendu entre deux statuts comme un bagage oublié à Roissy.

Mais le feuilleton ne s’arrête pas là : ses enfants, eux aussi allergiques aux « files d’attente » nationales, ont décidé de rester à Paris. On imagine les conversations familiales : “On rentre ?” – “Non, papa. Toi d’abord.” À ce stade, on pourrait croire à une tragi-comédie écrite par un Molière postcolonial.

Face à ce désastre symbolique, le ministère algérien des Affaires étrangères a adopté la stratégie du silence. Pas un mot. Pas une ligne. L’idée étant sans doute de laisser la tempête passer. Problème : la météo est au scandale permanent, et les éclaircies se font rares.

Ce n’est pas la première fois que la diplomatie algérienne s’illustre par son sens unique du déséquilibre. Depuis plusieurs mois, les expulsions de diplomates s’enchaînent entre Paris et Alger, dans un ballet grotesque où l’on échange des consuls comme des cartes Panini. Dernier coup en date : l’annonce par le ministre français Jean-Noël Barrot du renvoi imminent de plusieurs diplomates algériens. Une riposte prévisible, dans ce match sans arbitre où chacun joue à se faire peur sans jamais marquer de but.

Ce nouvel épisode illustre un malaise profond, un désamour croissant entre les serviteurs du régime et le régime lui-même. Quand un ambassadeur — censé incarner la fierté nationale — préfère rester illégalement en France plutôt que de rentrer à Alger, il ne s’agit plus d’un simple couac administratif. C’est une déclaration d’échec.

Mais ne vous inquiétez pas : à Alger, on vous dira que tout va bien. Que la diplomatie est « souveraine », que les relations avec la France sont « maîtrisées » et que l’Algérie avance, la tête haute… vers la sortie.

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