Réconciliation diplomatique : Damas dépoussière le tapis rouge pour Rabat (et vice-versa)
Aradane Majda
C’est à Bagdad, cette capitale aux mille rebondissements diplomatiques, que s’est joué un petit morceau de théâtre arabo-maghrébin digne des meilleures scènes de retrouvailles. Entre deux tasses de café amer et trois poignées de main bien cadrées par les caméras, la Syrie — par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Assaad Al-Chaibani — a adressé ses plus chaleureux remerciements à Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour la décision de réouvrir l’ambassade du Maroc à Damas.
Oui, vous avez bien lu : l’ambassade du Maroc, fermée en 2012 — époque où il valait mieux éviter les zones de turbulence diplomatique — va renaître de ses cendres, tel un phénix administratif.
M. Al-Chaibani, visiblement ravi que l’on redécouvre la carte du Levant à Rabat, a salué des relations « très bonnes ». On suppose que dans la diplomatie syrienne, cela signifie : vous ne nous avez pas (encore) bombardés de critiques, c’est déjà pas mal. Il a ensuite exprimé le vœu pieux d’un renforcement économique et d’investissements arabes, probablement en misant sur le fait que les Marocains, quand ils s’installent quelque part, finissent toujours par ouvrir un salon de thé, un hammam et une école de français.
De son côté, Nasser Bourita, ministre marocain aux poches pleines de communiqués millimétrés, a récité avec brio le message royal adressé lors du 34e Sommet arabe : oui à la réouverture, oui au canal de communication, et surtout oui à l’amitié indéfectible entre les deux peuples — même si l’un d’eux a passé la dernière décennie à se faire bombarder par son propre régime.
Fidèle à la tradition de l’équilibre subtil entre les principes et les intérêts, Sa Majesté a tenu à rappeler que le Maroc soutient toujours « la quête de liberté, de sécurité et de stabilité du peuple syrien frère ». Une phrase qu’on pourrait presque encadrer et accrocher dans toutes les chancelleries du Moyen-Orient, tant elle est utile, vague, et recyclable.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Dans un magnifique élan de réciprocité, la Syrie a promis d’envoyer une délégation technique à Rabat pour ouvrir, tenez-vous bien… son ambassade ! L’événement pourrait même faire l’objet d’une soirée inaugurale avec projection d’archives, buffet mezze-chkoun-3aref, et distribution de petits drapeaux.
À ce rythme, on attend impatiemment l’ouverture prochaine d’une ligne aérienne directe Marrakech-Damas, pour les nostalgiques du panarabisme à l’ancienne, amateurs de baklavas diplomatiques et de paradoxes géopolitiques.
Et pendant que les diplomates s’échangent sourires et parapheurs, les peuples, eux, attendent — un visa, un peu de stabilité, et peut-être, qui sait, un avenir un peu moins ironique.