Voile, valeurs et vinaigrettes : quand l’école publique bruxelloise devient un terrain de lutte philosophico-capillaire
Hanane El Fatihi
Bruxelles – La neutralité, cette noble idée qu’on aime tant encadrer dans les préambules de Constitution, est une nouvelle fois convoquée à la cour des grands principes… et des petites polémiques. Au banc des accusés cette semaine : un morceau de tissu, de préférence porté sur la tête, parfois coloré, souvent polémique. Bref, le voile.
Le débat sur les signes convictionnels a ressurgi avec l’enthousiasme d’un plat réchauffé qu’on espérait pourtant digéré. Cette fois, ce sont quelques communes bruxelloises, sous l’impulsion de la désormais célèbre Team Fouad Ahidar, qui proposent d’autoriser le port de ces signes – comprendre essentiellement le voile islamique – dans les écoles communales. Objectif affiché : mettre un terme à la pénurie chronique d’enseignants et à une série de discriminations subies par les femmes musulmanes. Une démarche pragmatique, diraient certains. Un sacrilège laïque, rétorquent d’autres.
Valérie Glatigny entre en scène. Rideau.
Invitée ce vendredi sur La Première, la ministre de l’Éducation en Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny, n’a pas mâché ses mots. Pour elle, ce projet serait rien de moins qu’un « recul de la neutralité de l’enseignement ». Traduction : on ne badine pas avec le sacro-saint principe de l’école neutre, même si les classes sont vides, les profs épuisés, et les élèves livrés à eux-mêmes dans l’attente d’un professeur non voilé, mais bien introuvable.
La neutralité, mais pour qui ?
Le débat a ceci d’intéressant qu’il place tout le monde face à ses contradictions. On veut une école inclusive, mais sans signes religieux. On veut des profs motivés, mais seulement s’ils n’ont pas l’audace de porter leur foi en accessoire. Et on veut une société plurielle, tant qu’elle reste visuellement monocolore.
Car oui, le voile est devenu en Belgique bien plus qu’un simple vêtement : c’est un test de pureté idéologique. On le tolère à la fac, mais on le bannit à l’embauche. Il est ok sur les bancs de l’école, mais interdit derrière le tableau. Un véritable casse-tête capillaire.
Un uniforme pour sauver la République ?
Pendant ce temps, au niveau fédéral, on planche sur une solution miracle : l’uniforme de neutralité. On imagine déjà des fonctionnaires standardisés, vêtus de gris républicain, à la limite du cosplay administratif. Il paraît qu’en neutralisant tout le monde, on évite les conflits. Reste à savoir si cette vision de la diversité « monochrome » est vraiment ce que réclame une société moderne.
Le débat sur les signes convictionnels n’est pas près de se conclure, et c’est peut-être tant mieux. Car au fond, cette obsession du voile nous en dit bien plus sur nos crispations identitaires que sur la qualité de notre enseignement. Pendant qu’on s’étripe sur un foulard, les vrais problèmes – moyens, salaires, infrastructures – eux, restent sagement hors-champ. Comme quoi, parfois, ce qu’on cache sous un tissu n’est rien comparé à ce qu’on refuse de voir.