Bruxelles. École en détresse Glatigny réforme, les profs craquent, les élèves trinquent

Yamina Lamin

La rédaction a reçu plusieurs témoignages d’enseignants bruxellois en colère. Ce ne sont pas des revendications idéologiques, mais des alertes de terrain surcharge, pressions, abandon, précarité, et une réforme ministérielle qui tourne le dos à la réalité. Dans les classes, c’est la désillusion. Pour les enseignants comme pour les élèves.

À peine installée, la ministre Valérie Glatigny annonce la poursuite de la réforme qui supprime progressivement le système de nomination. Officiellement, il s’agit de “moderniser” l’école. Officieusement, il s’agit de casser ce qui tenait encore debout la stabilité des équipes éducatives.

“En trois ans, j’ai signé onze contrats, dans six écoles différentes. Je n’ai jamais pu m’ancrer, je ne connais même pas le nom de mes collègues parfois”, témoigne une professeure de morale d’un établissement de Molenbeek. Ce n’est pas un cas isolé. À Bruxelles, les jeunes enseignants vivent sous pression, assignés à des postes instables, souvent sans encadrement, ni temps pour préparer correctement les cours.

Des directions qui abusent, un système qui couvre

Loin des discours sur “l’autonomie des établissements”, certaines directions abusent clairement de leur pouvoir. Horaires modifiés du jour au lendemain, injonctions à effectuer des visites de stage hors horaires légaux, refus d’accorder les périodes de préparation prévues par décret, intimidations…

Et quand l’enseignant conteste ? “On me dit : ‘tu veux que je renouvelle ton contrat ou pas ?’”, rapporte une remplaçante dans le qualifiant à Schaerbeek.

Le pouvoir est déséquilibré, et les jeunes enseignants sont les premières victimes.

Une école bruxelloise au défi de l’inclusion… sans moyens

Dans la capitale, les défis scolaires sont immenses. Classes multiculturelles, plurilingues, avec parfois un tiers d’élèves primo-arrivants. Les enseignants doivent faire preuve de pédagogie différenciée, de diplomatie interculturelle, de gestion émotionnelle et administrative.
Mais qui les soutient ? Très peu de formations adaptées, encore moins de co-interventions, et souvent des attentes irréalistes.

“Je travaille dans une classe de 3e pro avec des élèves qui ont 16 ans, dont certains vivent en centre d’accueil, d’autres travaillent la nuit, d’autres encore ne parlent que très peu le français. Et pourtant, on me demande de ‘tenir les objectifs du tronc commun’… Seule.”

Dans ce contexte, la réforme de Glatigny, centrée sur la mobilité et la “flexibilité des profils”, apparaît déconnectée, technocratique, presque cynique.

L’école des inégalités, pas celle des chances

Face à cette réalité, les enfants paient le prix fort. Turn-over permanent des enseignants, accumulation de retards, absence de cadre cohérent, manque d’adultes stables pour créer une relation éducative durable.

Et ce sont souvent les enfants des quartiers les plus précaires, issus de l’immigration, de l’exil ou de la pauvreté, qui subissent les plus lourdes conséquences. Ceux-là même qu’on prétend “intégrer” et “réussir par l’école”.

Les syndicats dénoncent un sabotage organisé

La CGSP et la CSC dénoncent une attaque directe contre le statut de l’enseignant

> “La fin des nominations, c’est la fin de l’école publique telle qu’on la connaît. Plus personne ne voudra enseigner dans les écoles les plus difficiles, et les élèves vulnérables seront abandonnés.”

Plusieurs grèves ont été organisées, mais la ministre Glatigny persiste, en invoquant “la fluidité du marché de l’emploi”. Une logique gestionnaire dans un métier profondément humain.

Et maintenant ? Faire entendre nos voix

Cet article, comme tant d’autres lettres ouvertes et cris du cœur, mérite une diffusion large.
Il peut et doit être partagé partout où la voix des enseignants résonne : sur Facebook, dans les pages de syndicats, sur LinkedIn pour interpeller les décideurs, ou encore dans des médias associatifs.
Chaque relai compte. Chaque publication est une façon de dire nous ne sommes pas seuls, et nous ne resterons pas silencieux.

Un appel à la ministre Glatigny écoutez les murs des classes !

Madame la Ministre, vous parlez d’attractivité du métier, mais vous mettez en place les conditions de la fuite.
Les jeunes profs ne veulent pas des carrières éclatées, des horaires impossibles, des contrats jetables.

Ils veulent enseigner. Transmettre. S’installer. Exister.Aujourd’hui, ce sont les enseignants qui s’effondrent. Demain, ce seront les élèves qui tomberont. Et vous en porterez la responsabilité.

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