Quand Georges-Louis Bouchez joue au ministre des Affaires étrangères… à crédit
Intisar Azmizam
Georges-Louis Bouchez, président du MR et éternel candidat à tout sauf à l’humilité, s’est récemment envolé pour le Maroc, drapé dans un costume trop grand pour lui : celui de négociateur diplomatique. Objectif affiché – ou du moins suggéré entre deux selfies : échanger la reconnaissance de la marocanité du Sahara contre un accès privilégié aux « informations électroniques » (entendez : données personnelles) des Marocains de Belgique. Oui, rien que ça.
Le problème ? C’est que GLB, malgré ses grands airs de diplomate improvisé, n’est ni ministre des Affaires étrangères, ni Premier ministre, ni même porteur d’un portefeuille gouvernemental. Il est, au mieux, le chef d’un parti en quête de projecteurs. En d’autres termes, il peut soumettre un dossier, oui, comme on soumet un devoir au prof principal, mais il n’a aucun levier institutionnel pour valider une reconnaissance internationale au nom de l’État belge.
Mais comme l’audace politique ne connaît pas de limites , GLB semble s’inspirer du manuel de diplomatie parallèle version française. Vous savez, celle qui consiste à mettre sur la table le dossier des mineurs non accompagnés, les titres de séjour ou les expulsions express pour « adoucir » une position diplomatique… Un chantage à peine voilé, déguisé en « partenariat stratégique ». Sauf que la ficelle est grosse, et qu’elle gratte.
Alors, que cherche-t-il vraiment ? À amadouer l’électorat belgo-marocain en leur tendant une reconnaissance symbolique ? À montrer ses muscles géopolitiques en carton devant une presse en manque de sensation ? Ou à jouer les influenceurs diplomatiques pour une story Instagram de plus ? Peu importe : ce jeu trouble, où la citoyenneté se troque et les données personnelles deviennent monnaie d’échange, en dit long sur une certaine vision de la politique. Une vision où l’on croit encore que les Marocains de Belgique peuvent être réduits à un seul enjeu, à une seule attente, à un seul vote.
Rappelons à Georges-Louis Bouchez qu’il n’est pas envoyé spécial de la diplomatie belge, mais juste président d’un parti. Un parti dont les électeurs, eux aussi, mériteraient qu’on leur parle d’autre chose que d’opérations de communication à peine dignes d’une série B.
Mais la vraie question est ailleurs : le Maroc va-t-il vraiment céder à la demande saugrenue de GLB et partager des informations électroniques sur ses ressortissants en Belgique ? Rien n’est moins sûr. D’abord, parce que ce type de coopération, s’il devait exister, ne peut être décidé au détour d’un café entre un chef de parti et un conseiller protocolaire. Ensuite – et surtout – parce que ce dossier a déjà été débattu, contesté et rejeté au Parlement marocain , notamment en raison des atteintes qu’il pourrait représenter pour la vie privée et les droits fondamentaux. Alors imaginer que le Maroc, fin connaisseur des subtilités diplomatiques, va gracieusement offrir ce que même la Belgique n’a pas su se permettre, relève d’une naïveté (ou d’un opportunisme) franchement risible. Ce n’est pas un accord de libre-échange d’infos personnelles, c’est une tentative de troc maladroite, fondée sur une illusion d’influence.
Bref, GLB joue au ministre comme un enfant joue au docteur. La différence, c’est qu’ici, c’est la dignité des citoyens qui sert de stéthoscope.