Maroc : l’eau salée, nouvel or bleu du royaume

Bouchaib El Bazi

Par un chroniqueur qui boit l’eau du robinet, mais seulement quand elle est désalinisée

Le Maroc n’a peut-être pas de pétrole, mais il a des idées. Et face à la sécheresse chronique et aux nappes phréatiques qui font grève depuis dix ans, Rabat semble avoir trouvé sa baguette magique : le dessalement d’eau de mer. Seize stations en marche, cinq chantiers en cours, treize autres dans les cartons… C’est une vraie déferlante. À défaut de pluie, les projets pleuvent.

Younes Laabdi, chef de service à la Direction générale de l’hydraulique, le dit sans détour : « Le dessalement, c’est la vie. » Littéralement. Car quand il ne pleut pas et que les barrages se vident plus vite que les promesses électorales, il faut bien trouver une alternative. Et si possible, une alternative qui sente bon la high-tech, la croissance verte et le made in Morocco.

Le sel, c’est fini (enfin presque)

Jadis marginale, l’eau dessalée est aujourd’hui la vedette du Plan Maroc Vert, Bleu, et désormais Transparent. Au Sud, notamment à Laâyoune et Dakhla, cette technologie est passée du statut de gadget futuriste à celui de nécessité vitale. Loin de l’image de la bouteille d’eau minérale hors de prix, le dessalement se démocratise. On n’est pas encore à l’eau gratuite au robinet, mais on y croit très fort.

Et le royaume ne fait pas les choses à moitié : 277 millions de mètres cubes produits par an à ce jour, et ce n’est qu’un échauffement. Casablanca-Settat accueillera bientôt la plus grande station de dessalement d’Afrique, avec 300 millions de mètres cubes par an. Oui, vous avez bien lu. De quoi irriguer les tomates bio de Berrechid et remplir les jacuzzis des villas de Bouskoura. L’équilibre parfait.

L’eau douce made in PPP

Ce boom du dessalement, on le doit aussi à une stratégie bien huilée : le partenariat public-privé (PPP). Car au royaume chérifien, on a compris que l’État ne peut pas tout faire tout seul. Il peut dessiner des plans, poser les premières pierres en grande pompe (avec héritier royal en bonus), mais pour faire tourner les pompes, mieux vaut laisser faire les pros. Et tant qu’on y est, autant créer tout un écosystème industriel, histoire de faire bosser les ingénieurs locaux et, pourquoi pas, exporter un peu de savoir-faire au passage.

Mais attention, pas question de polluer pour produire de l’eau propre. Toutes les futures stations seront alimentées par des énergies renouvelables. L’eau salée du futur sera donc éthique, éolienne et verte. Le consommateur marocain pourra ainsi boire sa carafe l’esprit tranquille, en se disant qu’il contribue à la lutte contre le réchauffement climatique. Et à la souveraineté hydrique du pays.

2030 : le Maroc, superpuissance de l’eau désalinisée ?

Les ambitions sont claires : 1 milliard de m³ d’eau dessalée d’ici 2027, 1,6 milliard en 2028, et 2,3 milliards à l’horizon 2040. Si tout se passe comme prévu – et c’est un “si” aussi grand que le Sahara – le Maroc pourrait devenir un modèle continental en matière de gestion de la rareté.

Reste à savoir si l’on saura aussi bien gérer les prix, les fuites, les maintenances, et surtout, la transparence dans les appels d’offres. Car si l’eau dessalée est claire, les coulisses des marchés publics le sont parfois un peu moins.

Mais ne soyons pas salés. Le verre d’eau est à moitié plein, et pour une fois, ce n’est pas à cause de la sécheresse.

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