Tindouf : Deux Sahraouis tués par l’armée algérienne, la colère monte
Bouchaib El Bazi
La tragédie s’est une nouvelle fois invitée aux abords des camps de réfugiés sahraouis à Tindouf. Hier, deux jeunes orpailleurs sahraouis ont été abattus à proximité immédiate du camp d’El Argoub par des soldats algériens. Neuf autres ont été blessés, dont trois grièvement. Les habitants, majoritairement des femmes et des enfants, ont assisté impuissants à la scène.
Le drame s’est produit dans la matinée du 9 avril. Alertés par des rafales de tirs nourris, les réfugiés ont vu un groupe d’orpailleurs, pourchassé par une unité militaire algérienne, tenter de trouver refuge à l’intérieur du camp. Les militaires ont poursuivi leur chasse sanglante jusque dans la zone censée être sous la seule responsabilité du Polisario, bafouant ainsi les règles tacites qui régissent la cohabitation entre l’armée algérienne et les milices sahraouies.
Ce carnage rappelle tragiquement l’affaire de 2020, où deux jeunes Sahraouis avaient été brûlés vifs dans un puits d’orpaillage, un crime qui avait alors provoqué l’indignation internationale. Cette fois encore, les victimes, de simples chercheurs d’or, croyaient trouver refuge en territoire « protégé ». Mais ni les miliciens du Polisario ni les conventions informelles n’ont pu empêcher la tuerie.
Les jeunes sahraouis d’El Argoub cherchent souvent à survivre en pratiquant l’orpaillage, une activité pourtant strictement interdite par le régime algérien. Pris entre l’interdiction et l’absence d’alternatives économiques, ils deviennent régulièrement la cible des forces algériennes : arrêtés, violentés, ou pire, abattus sans sommation.
Le silence des autorités algériennes est assourdissant. Aucun média local n’a relayé l’incident, fidèle à la ligne officielle qui glorifie l’armée tout en étouffant ses bavures. Ce nouveau crime renforce le sentiment d’abandon et d’indignation au sein des camps.
Le Mouvement Sahraoui pour la Paix (MSP), par la voix de son premier secrétaire Ahmed Barikalla, a dénoncé dans une lettre adressée à l’ONU cet « acte barbare » et appelle à une intervention internationale pour protéger les réfugiés sahraouis.
Parallèlement, une autre affaire embarrasse Alger et le Polisario : cinq orpailleurs mauritaniens auraient été enlevés en territoire mauritanien avant d’être transférés vers Tindouf, selon des sources locales. Cet incident a déjà suscité une réaction diplomatique à Nouakchott, où le chef de la diplomatie mauritanienne a convoqué l’ambassadeur d’Algérie pour s’expliquer.
Face aux tensions grandissantes avec ses voisins du Sahel, l’Algérie pourrait difficilement se permettre un nouveau front de crise avec la Mauritanie, son unique passerelle vers l’Afrique subsaharienne. L’affaire des orpailleurs kidnappés pourrait bien être la goutte de trop.