Tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie : Paris transmet une liste d’Algériens à expulser

Bouchaib El Bazi

La France s’apprête à remettre aux autorités algériennes une première liste de ressortissants en situation irrégulière à expulser. Cette initiative vise non seulement à répondre aux préoccupations françaises en matière de contrôle migratoire, mais également à amorcer un éventuel réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays, mises à mal ces derniers mois.

Une première liste imminente

D’après plusieurs sources gouvernementales , cette liste, comprenant « plusieurs dizaines » de noms, devrait être officiellement transmise à Alger sous peu. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a confirmé mercredi sur RTL qu’il s’agissait d’une première étape, laissant entendre que d’autres listes pourraient suivre.

Cette décision intervient dans un contexte particulièrement tendu. Le refus de l’Algérie d’accueillir certains de ses ressortissants en situation irrégulière, notamment l’auteur présumé d’un attentat à Mulhouse en février dernier, a exacerbé les tensions déjà vives depuis que Paris a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024. Cette prise de position avait suscité l’ire d’Alger, qui considère ce territoire comme une cause centrale de sa politique étrangère.

Un enjeu diplomatique et sécuritaire

Au-delà de la question migratoire, la France cherche à éviter une détérioration plus profonde des relations avec l’Algérie, un acteur clé dans la région sahélienne. La coopération entre les deux pays en matière de lutte contre le terrorisme reste essentielle, notamment dans la surveillance des réseaux djihadistes actifs au Sahel et le suivi de potentiels combattants de retour de Syrie.

Emmanuel Macron, conscient des répercussions possibles, tente d’apaiser les tensions. Il a récemment appelé à éviter toute escalade médiatique, insistant sur l’importance de discussions directes plutôt que par voie de presse. Une manière de répondre aux critiques du président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a dénoncé un « climat délétère » entre les deux nations et posé comme condition à tout dialogue une volonté exprimée par Paris.

Vers une reprise du dialogue ?

Alors que l’Algérie hésite encore sur la marche à suivre, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a rappelé cette semaine que Paris aspirait à des relations plus apaisées avec Alger. Il a toutefois souligné que cet apaisement nécessitait un effort bilatéral et a encouragé Alger à prendre en compte la liste d’expulsions comme un premier pas vers un dialogue constructif.

En attendant une réponse officielle, les tensions persistent. Des élus de plusieurs grandes villes françaises, dont Marseille et Montpellier, ont récemment fait état d’une suspension des activités consulaires algériennes dans leurs régions, bien que Paris affirme ne pas en avoir été officiellement informé.

Pour Hasni Abidi, spécialiste des relations franco-algériennes, la transmission de cette liste constitue un geste symbolique, mais insuffisant pour résoudre les causes profondes du différend. « Seule une relance diplomatique sincère et un dialogue structuré permettront d’ouvrir une issue honorable », estime-t-il.

Alors que les tensions restent vives, la question migratoire continue d’être un levier sensible dans les relations entre Paris et Alger, avec des répercussions sur l’ensemble des enjeux diplomatiques et sécuritaires entre les deux pays.

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