Élections communales 2024 : la stratégie payante du Fouad Ahidar
« Le résultat du scrutin de juin dernier à Bruxelles montre que la stratégie de Fouad Ahidar à l’adresse de la communauté musulmane a été payante », explique le journaliste Bouchaib El Bazi. Mais avec quels résultats aux élections communales 2024 ?
Les 69 % de vote Team Fouad Ahidar chez les musulmans.
L’hypothèse d’un vote musulman est-elle à retenir ?
On peut définir un vote religieux comme un vote motivé par une appartenance à une communauté religieuse, de même qu’un vote de classe est motivé par une appartenance à une classe sociale. Bien évidemment, les motivations pures n’existent pas, elles sont toujours mêlées à d’autres. Mais dans un vote dit « de classe » ou dans un vote dit « religieux », l’identification à la classe ou à la religion est la plus déterminante. Identifier les raisons d’un vote est toujours délicat surtout quand un groupe de population est susceptible de faire simultanément un vote de classe et un vote religieux comme ici avec la population musulmane qui fait aussi majoritairement partie des couches populaires.
LE « VOTE MUSULMAN »
Si on avait affaire dans ce cas uniquement à un vote de classe, la distribution des votes des musulmans devrait refléter celle des classes populaires en général. Or ce n’est pas le cas, les musulmans ont voté massivement (près de 70 %) pour Fouad Ahidar, alors que les classes populaires de la population générale ont davantage voté MR. Ceux qui nient l’idée d’un vote musulman prétendent que les musulmans n’auraient de toute façon pas pu voter pour la candidate d’un parti, le MR, qui a fait campagne contre l’immigration et annoncé des mesures réputées islamophobes comme l’interdiction du voile dans l’espace public.
En effet, toutes les familles musulmanes belges ont dans leur famille au moins une nièce, une grand-mère ou une belle-sœur qui porte le voile. Et même celles qui ne seraient pas fondamentalement opposées au principe d’interdiction redoutent les déchirements, la violence, qu’entraînerait une telle mesure.
Mais c’est précisément parce que les musulmans se sont déterminés en vertu de leur appartenance ou de leurs liens à la communauté que leur vote peut être qualifié de musulman.
Pourquoi cette concentration des votes des musulmans sur le candidat de Team Fouad Ahidar ?
Parce que celui-ci s’est clairement adressé à la communauté musulmane durant les 20 dernières années au point de se prétendre seul candidat à les défendre contre l’islamophobie dont ils seraient victimes. Il s’agit là du résultat d’une longue campagne dont la stratégie a été déterminée .
Lors des élections de juin, Fouad Ahidar se basait sur les thèmes du voile et de l’abattage rituel. Sur la question du voile, il défend la possibilité pour chacun de se vêtir comme il le veut, même dans l’administration. « Personne n’est neutre, ni vous ni moi », dit-il. « Ce qui doit être neutre, c’est le service rendu à la population. » Quant à l’abattage rituel, le député bruxellois soutient que cette méthode est « la plus rapide et la moins pénible » pour tuer un animal.
STRATÉGIE PAYANTE ?
Fouad Ahidar a donc proposé un mélange de mesures censées attirer ces minorités qui, ajoutées les unes aux autres, peuvent peser lourd dans la balance électorale : politique d’emploi, baisse des impôts, lutte contre la fraude fiscale chez les plus riches, droit du sol intégral, lutte « contre toutes les formes de racisme », protection du voile islamique, contrôle renforcé des policiers, etc. Le candidat de la Belgique Insoumise n’a eu de cesse de flatter les belges issus de l’immigration, les néoféministes intersectionnels qui défendent le hijab, ou les mouvements indigénistes. Le résultat du scrutin de juin dernier à Bruxelles du montre que sa stratégie a été payante même s’il a bénéficié d’un vote utile de la communauté musulmane. Nombre de prédicateurs ont plus ou moins ouvertement appelé à voter pour lui.
Le vote massif pour Team Fouad Ahidar est la preuve que la stratégie de victimisation de la communauté qui a commencé dès les années 1965 a produit ce qu’elle avait pour but de produire en quatre ou cinquième générations : une communauté politique mue par l’inquiétude, la pression communautaire et la peur, et donc prête à voter pour n’importe quel suzerain protecteur.
PS a réuni une grande partie du vote musulman, ce qui ne fait évidemment pas de lui un parti musulman ou islamiste, mais seulement un parti « coucou ». Comme le coucou fait couver ses œufs dans le nid d’un oiseau d’une autre espèce, un parti coucou abrite et protège des idées qui ne sont pas les siennes. Or les Fouad Ahidar a une stratégie qu’il a exprimé dans son plans dès les années 1990 .
Le vote musulman peut se déplacer d’un parti à l’autre, ce qui lui permet de ne pas être identifié comme tel. Mais il est repérable à ce qu’il entraîne des demandes d’ordre confessionnel car les élus doivent rembourser leur dette s’ils veulent être réélus. Dans les communes où des accords plus ou moins explicites ont été passés entre les partis coucous et des partis qui défendent la minorité musulmanes , les « accommodements raisonnables » risquent de se multiplier.