La nouvelle Moudawana doit tenir compte des MRE
Ce que veut la femme marocaine, ce n’est pas ressembler aux femmes européennes, c’est surtout jouir des mêmes droits que le Code de la famille accorde à l’homme. Cette égalité n’a rien de scandaleux, dans la mesure où la femme travaille autant que l’homme, qu’elle est par ailleurs davantage intègre que lui, et que le pays ne fonctionnera pas sans elle.
Je ne sais plus qui a dit que, pour connaître l’état d’un pays, voyez quels droits y sont accordés à la femme.
Le 20 août 1999, Sa Majesté avait déclaré: «Comment espérer assurer progrès et prospérité à une société alors que les femmes, qui en constituent la moitié, voient leurs droits bafoués». Le ton est donné. La ligne désignée.
La Moudawana de 2004 a amélioré la condition de la femme, mais pas au point de dire qu’elle a les mêmes droits que l’homme. Cette égalité reste à conquérir et il me semble que l’actuelle commission y travaille. Ce qui énerve nos amis du PJD, qui ne ratent aucune occasion pour dénigrer le progrès et la modernité. Ils manifestent souvent, avant même que le texte soit adopté et rendu public. Ils font entendre leur rejet, en amont, des changements de certains articles du Code de la famille, pour faire pression sur les personnes travaillant sur ce chantier. Ils pensent qu’ils représentent le peuple marocain. Ils oublient que ce même peuple leur a infligé une défaite cuisante lors des dernières élections législatives, les faisant passer de 123 députés à 13 seulement.
Quand le secrétaire général de ce parti déclare que les personnes composant cette commission veulent «apporter la parité mécanique que l’Occident déforme» et que ces voix veulent «ôter les référentiels islamique, royal et constitutionnel», quand il dit que «ceux qui demandent l’égalité homme-femme veulent nous transformer en Européens», il précise sa pensée en affirmant qu’il y a «une remise en question du rôle traditionnel de l’homme au sein de la famille».
Donc, ce parti, attaché à la régression et à certaines injustices, voudrait que la société marocaine garde la part belle à l’homme et que la femme soit maintenue dans une condition anachronique et en contradiction avec la réalité sociale et économique, où des femmes, souvent brillantes, font avancer le pays et changent les mentalités datant d’un ancien temps, quand la femme n’avait pratiquement que le droit de faire des enfants et de s’occuper de son foyer, sans prétendre à rien d’autre.
Ce que veut la femme marocaine, ce n’est pas ressembler aux femmes européennes, c’est surtout jouir des mêmes droits que le Code de la famille accorde à l’homme. Cette égalité n’a rien de scandaleux, dans la mesure où la femme travaille autant que l’homme, qu’elle est par ailleurs davantage intègre que lui, et que le pays ne fonctionnera pas sans elle.
La femme marocaine, aussi bien celle de la campagne et que celle de la ville, travaille durement. Elle travaille en dehors et dans la maison. Un double emploi pour un seul salaire, souvent plus bas que celui accordé à l’homme pour le même travail.
L’Europe n’a rien à voir avec notre situation. La Tunisie, surtout celle de Bourguiba, a accordé à la femme des droits qu’aucun pays arabe n’a octroyés. En plus, les Tunisiens ont inscrit dans leur constitution «la liberté de conscience», ce qui est unique dans le monde arabo-musulman.
N’oublions pas que les cinq ou six millions de Marocains résidant à l’étranger ont des enfants souvent parfaitement intégrés dans la société occidentale. Des filles de cette communauté viennent au moins une fois par an au Maroc, et même si elles portent une nationalité européenne, elles ne renient pas leur marocanité. Elles sont habituées à avoir des droits en Europe. Pourquoi, une fois rentrées au pays, devraient-elles voir leurs droits disparaître, mis entre parenthèses?
Le PJD oublie ce facteur important lié au regroupement familial dans plusieurs pays européens. Il faut ouvrir les yeux et les oreilles, les voir, les entendre parler avec une rare liberté, parce qu’elles refusent de se plier aux interdits hypocrites de la terre natale de leurs parents.
Je me souviens d’une fête organisée par plusieurs ministères aux Pays-Bas pour célébrer les Marocains et Marocaines qui ont apporté par leur travail et leur création quelque chose de nouveau au pays. Ils étaient plus de quatre cents. Les filles brillaient par leur discours intelligent, et prouvaient qu’elles étaient bien intégrées tout en étant attachées au Maroc. Elles parlaient en néerlandais, puis en langue arabe darija. C’était une fête magnifique où des trophées furent distribués à cette jeunesse maroco-néerlandaise.
Allez dire à ces femmes engagées dans la vie, ayant fait des études supérieures de qualité; allez leur dire qu’au Maroc, leurs droits sont minimisés.
L’évolution de la société marocaine ne peut plus ignorer l’apport divers et multiple de la communauté installée à l’étranger. Il n’y a pas que des devises qui arrivent au pays chaque année; il y a aussi des modes de vie, des habitudes de liberté, d’autres formes d’intelligence et de comportement.
Le séjour, de plus en plus fréquent, de cette jeunesse maroco-européenne, change le Maroc. Et en ce qui concerne le Code de la famille, il est essentiel d’en tenir compte et de ne pas écouter les traditionalistes qui ne reconnaissent pas le bouleversement socioculturel qu’apportent les enfants de nos MRE.