Asphyxiée par son isolement régional, l’Algérie se tourne vers la Mauritanie en lui miroitant des projets bidon
Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a passé, le jeudi 22 février, quelques petites heures à Tindouf. Cette brève visite est intervenue suite à un pressing forcené, exercé ces derniers jours par les autorités algériennes, qui l’ont quasiment imploré de faire ce déplacement. Un menu «alléchant» lui a été concocté à cet effet: lancement de la construction de la route Tindouf-Zouerate et inauguration du passage frontalier mauritano-algérien, où une zone franche est prévue. Entre incident dramatique et coup d’éclat raté, cette visite a été un fiasco pour l’Algérie. Explications
La conclusion principale que l’on peut d’ores et déjà tirer de l’expéditif aller-retour effectué jeudi par le président mauritanien entre Nouakchott et Tindouf, c’est que le Polisario et ses camps ont été tenus éloignés de l’itinéraire et du programme du tout fraîchement désigné président en exercice de l’Union africaine. Il n’y a qu’à imaginer, un seul instant, tout le tapage dont se serait gargarisée la propagande médiatico-politique algérienne au cas où Ould El Ghazouani aurait été amené à échanger une poignée de main, à l’aéroport de Tindouf, avec le chef des séparatistes, Brahim Ghali.
Ce scénario, que le régime algérien voulait mettre en scène, comme celui récemment réalisé en Irlande, a été déjoué par le président mauritanien. Ce dernier a tenu à éviter le piège et à respecter sa nouvelle mission à la tête de l’organisation panafricaine, qui n’est plus concernée par le dossier du Sahara marocain.
Cette fermeté a-t-elle un lien avec le drame qui a endeuillé la délégation mauritanienne, suite au décès de l’un des éléments de la garde rapprochée d’El Ghazouani, prétendument mort dans un accident de la route au moment où le cortège présidentiel revenait d’une inauguration vers Tindouf? Un autre membre de la sécurité présidentielle a été lui aussi grièvement blessé et hospitalisé d’urgence à Tindouf. Ce qui est certain, c’est que le président El Ghazouani a immédiatement pris le chemin du retour vers Nouakchott après cet incident inexpliqué, tout en promettant d’envoyer un avion spécial en vue de récupérer son garde blessé ainsi que la dépouille de l’adjudant Mohamed Ould Cheïbani, auquel l’état-major de l’armée mauritanienne a rendu un hommage posthume ce vendredi. Les médias algériens ont totalement passé sous silence ce drame, contrairement à leurs homologues mauritaniens qui ont même trouvé plausible l’hypothèse avancée par des commentateurs algériens en exil quant à une possible main du Polisario qui voulait attenter à la vie du président mauritanien.
Quoi qu’il en soit, l’absence du Polisario lors de la visite du président El Ghazouani à Tindouf est un nouvel échec retentissant pour la diplomatie algérienne, qui est actuellement en train de jeter ses dernières forces en direction de la Mauritanie, dans le seul objectif de parasiter autant que faire se peut les relations entre Rabat et Nouakchott.
L’Algérie voit en effet d’un très mauvais œil la Mauritanie devenir la porte du Maroc vers l’Afrique subsaharienne et la passerelle visant à faire accéder les pays sahéliens enclavés à l’Atlantique, dans le cadre de l’initiative lancée en novembre dernier par le roi Mohammed VI.
Surtout que, suite à la récente crise avec ses voisins malien et nigérien, l’Algérie s’est retrouvée, hormis la Tunisie, face à cinq pays voisins dont les frontières lui sont fermées. En plus du Maroc, de la Libye, du Niger et du Mali, la frontière mauritano-algérienne, longue de quelque 460 km, soit la plus courte des cinq autres frontières que l’Algérie partage avec ses voisins maghrébins et sahéliens, a été déclarée zone militaire interdite depuis plus de cinq ans maintenant, pour des raisons de sécurité liées aux mouvements suspects des milices du Polisario et des autres nébuleuses terroristes actives dans les pays du Sahel voisin.
La visite de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani à Tindouf, qui n’était pas inscrite dans son agenda, fait suite à un intense forcing algérien, marqué par des appels téléphoniques répétitifs de Tebboune à la présidence mauritanienne, et par la récente visite d’Ahmed Attaf, chef de la diplomatie algérienne à Nouakchott, au cours de laquelle il a remis un message écrit de Tebboune au président mauritanien, l’invitant à effectuer une visite de travail en Algérie.
Finalement, cette seconde visite d’El Ghazouani en Algérie, après celle officielle de 3 jours à Alger et Oran, effectuée il y a moins de 26 mois (décembre 2021), a été un fiasco. L’inauguration d’une zone franche et d’un passage frontalier, et le lancement de la construction de la route Tindouf-Zouerate, promise depuis 1972 (des projets qui seront immédiatement rangés dans les tiroirs, comme d’habitude, car irréalisables), ne sont en réalité que des miroirs aux alouettes derrière lesquels le régime algérien ne sait même pas ce qu’il veut exactement, à part se donner l’occasion d’afficher son hostilité à l’égard du Maroc.
Le média mauritanien Taqadoum s’est d’ailleurs posé la question de savoir quelle est l’utilité de ces projets et ce que cherche vraiment l’Algérie en voulant accéder coûte que coûte à l’Atlantique à partir des lointaines côtes mauritaniennes, après avoir échoué à le faire en créant, il y a un demi-siècle, le conflit factice autour du Sahara marocain. Une route goudronnée allant de Tindouf à Zouerate, sur une distance de 840 km à travers des montagnes de sable mouvant et un désert inhabité, cela nécessite quand même des financements colossaux, un entretien continu et d’importantes forces de sécurité qui y veillent en permanence, pour des résultats économiques très aléatoires. Quant à la zone franche algéro-mauritanienne, il est légitime de se demander ce que pourront vraiment échanger deux pays qui ne produisent rien, à part l’extraction et l’exportation de matières premières à l’état brut.