Les aveux de Saïd Naciri : L’homme qui en savait trop
Ce Vendredi 4 décembre 2015. Dans les locaux du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), c’est l’exultation. Grâce, comme le détaillera dans la journée même un communiqué du ministère de l’Intérieur, à l’“exploitation d’informations précises” et à leurs “actions de surveillance et de filature”, les hommes de l’institution dirigée alors par feu Abdelhak Khiame -décédé, on le rappelle, en août 2022- sont parvenus à mettre la main sur une quantité record de “chira”, c’est-à-dire de résine de cannabis, au niveau de l’aire de repos de Bir Jdid, sur l’autoroute qui relie Casablanca et El Jadida: pas moins de 40 tonnes, ce qui, à ce jour, reste la plus grande saisie jamais effectuée dans l’histoire du Maroc (pour mesurer davantage encore l’ordre d’importance, on dira que c’est 4% du total de toute la chira interceptée par la police marocaine… entre 2015 et 2023!).
Réseau de naroctrafiquants
D’ailleurs, pour la transporter, ce ne sont ni un, ni deux, mais trois camions-remorques qui ont été mobilisés, aidés, qui plus est, par “un véhicule 4×4, qui devançait le convoi pour les besoins du suivi, de contrôle et d’escorte, ainsi qu’au changement des plaques minéralogiques des véhicules”, précisera également le ministère de l’Intérieur (à ce propos, des plaques minéralogiques falsifiées avaient été trouvées par les éléments du BCIJ, en plus de sommes d’argent, de téléphones portables et de plusieurs puces de téléphone non-utilisées). Au passage, ce sont neuf personnes qui sont arrêtées sur place, suivies par la suite par cinq autres personnes -à savoir “deux individus membres de ce réseau de narcotrafiquants qui étaient en possession d’un montant de 1,24 million de dirhams” et de “trois agents de change, faisant office de chaînon vital et de pourvoyeur de fonds de ce réseau criminel”, révélera un communiqué en date du 16 décembre 2015 du BCIJ- mais pas Saïd Naciri: or, d’après des informations obtenues par Maroc Hebdo et que notre article développera de façon plus détaillée, les rapports établis par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) soutiennent de façon affirmative que le député PAM (Parti authenticité et modernité) de Casablanca-Anfa et désormais ex-président du Wydad de Casablanca -il a été remplacé, le 1er janvier 2024, par son vice-président, Abdelmajid Bernaki- serait bien impliqué, et ce au même titre que le ponte du BTP et président de la région de l’Oriental, Abdenbi Bioui, écroué comme lui depuis le 21 décembre 2023 dans la prison de Oukacha, à Casablanca.
Relations privilégiées
En effet, sur les 40 tonnes de chira saisis, Saïd Naciri en aurait détenu 1,5 tonne, où il aurait investi la modique somme de 2,5 millions de dirhams. Et c’est un certain Hajj Ahmed Ben Brahim qui devait par la suite s’occuper de l’acheminement de cette drogue à l’extérieur du Maroc pour être écoulée entre la Libye et le Brésil: nous sommes, on l’aura compris, en plein milieu de l’affaire dite du “Malien”, ou “Escobar du Sahara”, les deux sobriquets dont on affuble désormais dans les médias ce natif de Kidal -en 1976- qui, au cours des deux dernières décennies, est parvenu à monter un des plus grands réseaux de trafic de drogue du corridor saharo-sahélien, en impliquant des personnalités politiques de haut niveau dont Saïd Naciri et Abdenbi Bioui ne seraient que les deux petits palmiers qui cachent la grande oasis (lire n° 1514, du 5 au 11 janvier 2024). C’est d’ailleurs le Malien lui-même, dont ce sont les 40 tonnes de chira de Bir Jdid qui lui valent en fait d’être emprisonné aujourd’hui pour dix ans à El Jadida, qui a donné le nom de Saïd Naciri, en indiquant à la BNPJ que c’est parce qu’il se serait senti insuffisamment rétribué par rapport à son rôle de “premier responsable de la logistique et des relations publiques”, consistant à faire bénéficier les trafiquants de ses relations privilégiées avec les milieux sécuritaires pour leur assurer la route, qu’il aurait voulu mettre de façon encore plus directe la main dans le cambouis.
Ce que Saïd Naciri a néanmoins nié dans l’interrogatoire qu’il a subi dans la matinée du 28 novembre 2023 au siège de la BNPJ à Casablanca. “Je n’ai jamais eu de relation avec ce réseau criminel spécialisé dans le trafic international de drogue, et je n’y ai jamais joué aucun rôle, que ce soit la coordination ou la responsabilité logistique ou le fait de traiter avec les membres des forces publiques”, a juré Saïd Naciri, en ajoutant que “tout ce qui a été dit dans la déclaration du citoyen malien susmentionné (le Malien, ndlr) [était] un mensonge et une calomnie à [s]on encontre, y compris la quantité d’une tonne et demie qu’il prétend être [s]a propre quantité de drogue sur la quantité totale de 40 tonnes”, et que “la déclaration de Hajj Ahmed ben Brahim est le fruit de son imagination”.
L’expertise technique
Un démenti qui n’a toutefois pas semblé convaincre davantage que cela les inspecteurs de la BNPJ en charge, à qui Saïd Naciri avait initialement déclaré qu’il ne connaissait rien des activités de trafiquant du Malien; que c’est en 2014 seulement qu’il l’avait connu par le biais de Abdenbi Bioui, qui le lui aurait présenté en la qualité de diplomate malien désireux d’investir au Maroc; que lui et le Malien ne s’étaient rencontrés que quelquefois pour dîner à Casablanca… avant que la BNPJ ne confronte Saïd Naciri à des preuves techniques, notamment des appels téléphoniques passés à différentes reprises avec le Malien. Parmi ces appels, neuf le 17 décembre 2013, avant que Saïd Naciri ne se rende, comme l’a démontré la géolocalisation de son mobile personnel, au quartier de Souissi à Rabat au domicile de Latifa Raâfat, qui n’est autre, comme chacun le sait désormais, que l’ancienne épouse du Malien -et dont on comprend toutefois, d’après les éléments disponibles, qu’elle n’était pas forcément au courant des activités de trafiquant de son époux-: ce jour-là, Saïd Naciri aurait touché la bagatelle de 350.000 euros pour aider au transit d’une quantité de 15 tonnes de chira vers l’Égypte et qui, effectivement, serait bien arrivée à destination après avoir été transportée par la Méditerranée jusqu’au port de Tobrouk, en Libye, et de là à El Negaila, petite ville d’une trentaine de milliers d’habitants située dans le gouvernorat égyptien de Matrouh (frontalier du territoire libyen).
Même après l’incarcération du Malien, Saïd Naciri et Abdenbi Bioui auraient continué à faire des affaires avec lui, le trio ayant notamment prétendument collaboré, en 2020 et 2021, pour deux cargaisons de respectivement 15 et 10 tonnes, sur lesquelles les garde-côtes libyens auraient cependant mis le grappin. En tout cas, l’expertise technique a, là aussi, établi que Saïd Naciri a souvent eu au bout du fil, et ce jusqu’à au moins le mois de mai 2023, le Malien pour différentes demandes “pressantes” exprimées par ce dernier: du cash (115.000 dirhams lui auraient été transmis en trois fois, afin de lui permettre d’assurer ses besoins journaliers), mais aussi… une intervention auprès du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, que Saïd Naciri fréquente dans le cadre du PAM (dont Abdellatif Ouahbi est, rappelons-le, le secrétaire général), afin de le faire transférer au Mali pour le restant de sa peine. Requête qui n’a donc jamais été menée à bout et dont, soit dit en passant, on ne sait même pas si Abdellatif Ouahbi en a jamais eu vent, étant donné que, lors de ses échanges avec le Malien, Saïd Naciri se contentait entre autres de dire qu’“on travaille pour toi sur ça” (“rah 7na kheddamin lik f had chi”, en version originale), sans vraiment lui donner de retour circonstancié.
Ce fait de ne pas voir ses désirs exaucés par Saïd Naciri mais aussi Abdenbi Bioui, à propos de qui le Malien assure qu’il lui doit une ardoise totale de 33,25 millions de dirhams pour les différentes opérations qu’ils ont menées ensemble (dont une vente de 80 tonnes de chira sur laquelle on n’a pas davantage d’informations mais qui feraient craindre à Abdenbi Bioui d’être mis sur les listes d’Interpol elle-même), a d’ailleurs sans doute contribué à la chute des deux hommes, puisque c’est s’estimant lâché par ces derniers que le trafiquant est finalement passé aux aveux, plus de quatre ans après avoir été placé derrière les barreaux.
Ça et, avant tout, les tours qu’ils lui auraient joué pour mettre la main sur son patrimoine marocain, allant, selon les conclusions de la BNPJ, jusqu’à être derrière son interpellation en 2019 à l’aéroport Mohammed-V de Casablanca, depuis laquelle il est en réclusion: en fait, Saïd Naciri et Abdenbi Bioui lui auraient fait croire qu’ils s’étaient arrangés pour que son nom ne soit pas mêlé à l’affaire de la chira de Bir Jdid, alors qu’il n’en était rien, avec donc l’objectif de le mettre suffisamment en confiance pour qu’il se risque à venir au Maroc et, à partir de là, être neutralisé.
Rocambolesque histoire
Un exemple des nombreuses possessions du Malien sous les cieux chérifiens? On ne peut bien sûr, à ce propos, éluder la rocambolesque histoire de la villa du quartier de Californie, sur le très cossu boulevard de La Mecque. Mais d’abord le contexte: nous sommes en 2013 et, depuis environ sept ans déjà, Abdenbi Bioui aurait noué une juteuse relation de business avec le Malien, qu’il ne connaîtrait encore que de loin et avec qui il aurait mis en place un réseau permettant d’acheminer de 3 à 6 tonnes de drogue par voyage en passant par Errachidia, Errich et Ras El Khanfra, puis, à partir de l’Algérie et plus particulièrement de la région de Tamanrasset, par le Niger jusqu’en Libye; pendant ce laps de temps, ce sont quelque 200 tonnes de chira qui sont écoulées, à raison de 140.000 à 160.000 euros la tonne.
Mais 2013, c’est aussi l’année où le régime algérien commence à mettre en place, au niveau des frontières avec le Maroc, des tranchées, rendant plus difficile le trafic. Que faire, à partir de là? Passer plutôt par le Sahara marocain, notamment la ville de Smara, et seulement par la suite tenter de rallier Tamanrasset, où, de façon générale, le reste des opérations se déroule sans vraiment d’anicroches, “en raison de la nature de la zone saharienne d’une part et d’autre part la confiance dont jouissent toutes les parties prenantes de cette étape”, souligne la BNPJ. Mais pour cela, le mieux c’est de commencer à avoir sa base d’opération au Maroc, et c’est ce qu’envisage de faire le Malien.
Il demande à un certain “Amomen”, de nationalité nigérienne, également trafiquant de drogue de son état, d’intercéder en sa faveur auprès d’Abdenbi Bioui, qui rapidement aurait fini par accueillir le Malien dans son fief d’Oujda (Abdenbi Bioui affirme, en revanche, n’avoir fait connaissance du Malien qu’au cours du mois de Ramadan 2014, ce que leurs nombreux échanges téléphoniques, à savoir 86 sur la seule période allant du 2 novembre au 2 décembre 2013 démentent toutefois). Naturellement, le Malien veut avoir son chez lui et profiter de sa nouvelle vie marocaine, lui dont la réputation de fieffé fêtard n’est plus à faire: Abdenbi Bioui a lui-même reconnu avoir mis à sa disposition un appartement qu’il détient au quartier Maârif de Casablanca, où le Malien ne s’est toutefois pas éternisé en raison, apparemment, des soirées arrosées qu’il aurait eu coutume d’organiser de façon par trop régulière et qui auraient provoqué une réaction vive des voisins et notamment du syndic.
Mais il est aussi question de l’achat, par le Malien, d’onze chalets dans un complexe qu’Abdenbioui Bioui détient à Saïdia, et donc de la villa de Californie: celle-ci avait en fait été acquise en 2009, au nom de son ex-épouse S.M. Samia Moussa, par le Oujdi (qui est littéralement un de ses surnoms dans le milieu, avec celui de “L’Malti”, le Maltais) en échange d’une enveloppe de 16 millions de dirhams. En 2013, la propriété passe à Belkacem El Mir, député PAM d’Oujda-Angad et qui n’est surtout autre que le gendre d’Abdenbi Bioui, après que S.M. Samia Moussa y ait apparemment renoncé contre son gré: sa mère, J.B. Jamila El Bettioui, et son frère, A.M. Abdellatif Moussa, sont jetés en prison pour des affaires de vols et de coups et blessures qui, selon la BNPJ, ont été montées de toutes pièces par Abdenbi Bioui pour la faire chanter… avec la complicité de Saïd Naciri, en contact permanent avec son acolyte présumé à l’époque des faits.
Fieffé fêtard
Et c’est là donc que la villa aurait été vendue au Malien, qui aurait déboursé, pour la posséder, 33 millions de dirhams. Sauf qu’aucun acte de vente ne vient étayer la transaction, ni encore moins celles relatives à six des onze chalets de Saïdia, qui, à en croire la BNPJ, auraient en fait servi à Abdenbi Bioui pour payer ses dettes envers le Malien et son complice nigérien, Amomen, déjà cité plus haut. C’est ce flou sur lequel Saïd Naciri aurait joué pour prendre possession de la maison: ainsi, avec la complicité de Belkacem El Mir, ils auraient simulé une transaction en 2019 afin que Saïd Naciri justifie sa présence dans la villa, qui aurait en réalité daté de 2017 déjà, après que le Malien l’y aurait autorisé afin de pouvoir en même temps économiser par rapport à tout ce qui a trait aux frais d’entretien, de gardiennage, etc.
Coups et blessures
Et cette transaction de 2019, elle se serait faite, au moyen de cinq chèques d’un montant respectif de 2 millions de dirhams, dont la BNPJ conteste la validité (ils ont été émis au nom de la société de promotion immobilière Akab, d’où Saïd Naciri a démissionné depuis août 2007 déjà). Et il y a un comble: pour pouvoir commencer à occuper la villa, dont le résident était entretemps devenu un aide libanais du Malien du nom de W.N. Wissam Nader, Saïd Naciri aurait remis à cet aide 1 million de dirhams tous ronds et lui aurait, en plus, remis les clefs d’un appartement à Mohammédia… qui ne lui appartenait même pas, sinon par le passé, et qu’il avait en fait vendu, dès 2014, contre 2 millions de dirhams.
Et à quel acheteur? Le Malien! Pour résumer encore, Saïd Naciri aurait pris le contrôle de la villa de Californie auprès d’un vendeur qui ne l’aurait même plus possédée, contre des chèques dont on ne sait même pas s’il avait le droit de les utiliser, en recourant également dans la transaction à un appartement qu’il avait déjà vendu en vue de faire partir l’aide du Malien, et petit détail croustillant qu’on n’a pas mentionné plus haut: par erreur, une bonne du Malien, directement chargée par ce dernier, aurait remis 2,5 millions de dirhams et non pas seulement 2 millions à Saïd Naciri pour payer l’appartement de Mohammédia; 500.000 dirhams que ce dernier se serait aussi bien gardé de rendre. Et pour clore le spectacle, il y a aussi les 8 millions de dirhams que le Malien aurait envoyé depuis le Sénégal en 2019, après avoir purgé quatre ans en Mauritanie pour une autre histoire de trafic de drogue, à Saïd Naciri pour d’une part payer les frais de travaux effectués dans la villa, et d’autre part pour avoir du liquide qui l’attendrait au Maroc une fois qu’il y retournerait et où, lui avait certifié, il ne serait pas inquiété pour la chira de Bir Jdid… Quand on prend connaissance de la documentation de la BNPJ, on en arrive en fait à la conclusion que Saïd Naciri, et dans une à peine moindre mesure peut-être Abdenbi Bioui, auraient flairé en le Malien le parfait pigeon: il y aurait par exemple beaucoup à écrire sur ce déplacement fait en 2013 par le Malien avec Saïd Naciri à la zaouïa naciria à Tamegroute, dans la province de Zagora, où le Malien a cherché et réussi à obtenir une sorte d’attestation censée prouver son origine, par le truchement de sa mère marocaine, de chérif/noble d’ascendance nacirie, remise par les propres soins du cheikh de la zaouïa, et dont l’objectif aurait été de lui paver la voie en vue d’obtenir la nationalité marocaine; y croyant apparemment sincèrement et ne sachant pas que la marocanité de sa génitrice lui suffisait amplement pour avoir son passeport vert -disposition introduite dans la loi marocaine en mars 2007-, le Malien aurait ainsi sorti de sa poche 1,5 million de dirhams pour financer le festival de Zagora, en plus de 20.000 dirhams remis directement à la zaouïa naciria comme Saïd Naciri l’avait lui-même reconnu dans son interrogatoire du 18 octobre 2023 (sans toutefois avouer avoir fait miroiter au Malien la possibilité d’être naturalisé.
Travail colossal
Et l’autre conclusion, c’est que si la justice reconnaît Saïd Naciri et Abdenbi Bioui comme coupables et que donc elle va dans le même sens que la BNPJ, il y aurait assurément à dire qu’ils ont été excessivement culottés et que c’est cela qui leur aura sans doute coûté le plus. À titre d’exemple, le fait d’avoir multiplié les appels téléphoniques avec le Malien, comme si cela pouvait se faire à l’insu des autorités. Mais il y a surtout à citer la fameuse affaire des camions chinois: en gros, pour résumer, le Malien aurait, grâce à l’argent de la drogue, payé 61 voitures et onze camions de fabrication chinoise, sauf qu’il n’a jamais pu obtenir de certificat de conformité pour eux afin de pouvoir les utiliser sur le territoire marocain.
En août 2014, Abdenbi Bioui en achète sept, avec l’idée apparente d’y recourir uniquement, du moment qu’ils ne sont pas homologués, dans les chantiers de sa société de travaux publics, appelée justement Bioui Travaux (rebaptisée le 17 décembre 2023, dans le sillage de l’éclatement de l’affaire du Malien, SBTX, pour Société Bioui Travaux). Au passage, Saïd Naciri récupère, lui, six voitures dans le lot (qui seront longtemps parquées au Complexe Mohamed- Benjelloun du Wydad, avant de n’être retirées qu’au bout de quelques années).
Ce qui se passe, c’est qu’un des camions de Abdenbi Bioui est quand bien même mis à contribution dans le trafic de drogue; avec deux autres camions, il doit transporter de la drogue jusqu’à El Jadida, où d’une part environ un tiers (15 tonnes) de la cargaison va aller par la mer en Mauritanie pour être par la suite acheminée par voie terrestre en Libye; et d’autre part deux tiers (25 tonnes) vont être échangés dans les eaux internationales contre cinq tonnes de cocaïne arrivés depuis le port de Santos, au Brésil: ce sont les 40 tonnes que le BCIJ capture à Bir Jdid en cette fin d’automne 2015. En fait, l’absence de papiers pour le camion fait qu’il est rapidement repéré par le BCIJ, qui n’a donc plus qu’à cueillir aussi les deux camions qui l’accompagnent.
Faisceau de révélations
Un peu, au fond, à l’image du Malien, qui, de même, pourrait emmener avec lui Saïd Naciri et Abdenbi Bioui à la case prison. Tout au long des derniers mois, les fins limiers de la BNPJ auront donc accompli, à partir du moment où ils ont été saisis, un travail colossal, illustré de façon éloquente par le pavé de plus de 1150 pages qu’ils ont transmis à la justice à titre de compilation de l’ensemble des procès-verbaux réalisés et qui, comme nous le souligne Me Mehdi Ezzouate, avocat de Saïd Naciri (lire notre encadré avec lui), mériteront la plus grande attention aussi bien du parquet général que, en premier lieu, de la défense. À ce propos, d’aucuns insistent que les éléments qui sont pour l’instant sortis dans les médias ne constituent qu’un premier faisceau de révélations qui pourraient à tout moment éclabousser encore l’ensemble des sphères où Saïd Naciri et Abdenbi Bioui étaient actifs, qu’elles soient politiques ou plus précisément footballistiques pour le premier cité.
D’autres personnes pourraient, ainsi, suivre et être entraînés par les deux individus dans leurs tourments judiciaires, pour un feuilleton qui promet bien de tenir en haleine les Marocains à partir de l’ouverture officielle du procès, prévue en principe, sauf report de dernière minute, ce 25 janvier 2024 au niveau de la Chambre criminelle de première instance près la Cour d’appel de Casablanca. Pour l’ancien patron du Wydad en particulier, les choses semblent notamment promises à une allure de coup de sifflet final.