Gasoil russe : pourquoi la commission d’enquête parlementaire est un pari improbable
Trois partis de l’opposition appelle à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’importation du gasoil russe. Mais les chances de succès de cette initiative restent minces. Les trois formations ne totalisent que 63 voix, alors qu’il faudra en avoir 132 pour pouvoir lancer la procédure. Si les promoteurs de cette démarche peuvent espérer gagner le soutien de l’USFP, tabler sur l’appui de certains membres de la majorité relèverait de la gageure.
L’importation du gasoil russe est de nouveau d’actualité. Trois partis de l’opposition souhaitent mettre en place une commission d’enquête parlementaire à la Chambre des représentantspour mettre toute la lumière sur cette question. Cette initiative est portée par le Mouvement populaire (MP), le Parti du progrès et du socialisme (PPS) et le Parti de la justice et du développement (PJD). Les trois partis souhaitent ainsi obtenir plus d’information pour examiner cette question en profondeur. Mais étant donné leur poids numérique au sein de la Chambre, il est peu probable que leur démarche aboutisse. Non seulement l’initiative ne bénéficie pas de l’appui de toutes les composantes de l’opposition, mais cette dernière, toutes tendance confondues, ne représente à la première Chambre que 97 députés, ce qui reste en deçà des 132 voix nécessaires pour entamer le processus de création d’une commission d’enquête parlementaire (CEP).
En effet, selon l’article 67 de la Constitution et la loi organique sur les commissions d’enquête parlementaires, il est possible de créer une commission d’enquête parlementaire «à l’initiative duRoi ou à la demande du tiers des membres de la Chambre des représentants, ou du tiers des membres de la Chambre des conseillers». Cette disposition est également incluse dans le règlement intérieur de la Chambre des représentants. Par conséquent, pour lancer cette procédure, il faut avoir le soutien d’au moins 132 députés (395 divisé par 3).
Il convient de noter que bien que l’Union socialiste des forces populaires (USFP) dispose du plus grand nombre de députés et soit donc considérée comme le leader de l’opposition à la première Chambre, elle n’a pas encore cautionné cette initiative. Mais le chef du groupe parlementaire haraki (MP), Driss Sentissi, ne cache pas son optimisme. Il pense que l’USFP signera probablement cette initiative ce lundi, rappelant que des discussions avaient eu lieu avec le chef de ce groupe et des responsables du parti à ce sujet. M. Sentissi n’a pas manqué de préciser que l’USFP a été le premier parti à soulever cette question devant le Parlement. Pour lui, la logique voudrait qu’elle la soutienne.
La représentativité au sein du Parlement n’est pas en faveur de l’opposition
En se référant au rapport de force entre la majoritéet l’opposition au sein de la première Chambre, qui compte 395 députés, on constate que les trois partis à l’origine de cette initiative ne disposent que de 63 voix (28 députés pour le MP, 22 pour le PPS et 13 pour le PJD). Même en supposant que l’USFP, qui a été le premier parti de l’opposition à poser une question sur le sujet du gasoil russe au Parlement, rejoigne cette initiative avec ses 34 députés, l’opposition ne disposerait que de 97 voix.
Et même si tous les députés qui ne font partie de la majorité à la Chambre des représentants soutiennent l’initiative, ils ne pourront pas la faire aboutir, puisqu’ils sont au nombre de 125 seulement, soit un peu moins que les 132 nécessaires. Le Rassemblement national des indépendants (102 députés), le Parti authenticité et modernité (87 députés) et le Parti de l’Istiqlal (81 députés), représentent 270 voix, autant dire que la majorité demeure imbattable, à moins d’une dissidence en interne, ce qui reste fort improbable.
Commission d’enquête : possibilité de soutien des députés de la majorité
Tout à son optimisme, Driss Sentissi estime que l’initiative Commission d’enquête parlementaire pourrait également être soutenue par des députés de la majorité. Il a expliqué que si la CEP est créée, ses membres seront nommés par le bureau de la Chambre en se basant sur les propositions des groupes et groupements parlementaires, en respectant la représentation proportionnelle de chacun à la Chambre des représentants (seul le poste de président ou de rapporteur de la Commission sera réservé à l’opposition). De la sorte, contre chaque député de l’opposition au sein de la Commission, il y aura trois députés de la majorité, selon M. Sentissi.
Mais tout compte fait, le député du MP affirme que l’échec de l’initiative de l’opposition ne serait pas la fin du monde, tout en s’interrogeant sur «les réactions excessives que suscite généralement le sujet des carburants». Pour lui, la CEP porte sur «la question spécifique du gasoil russe, et non le gaz comme cela a été mal interprété». Ceci étant, M. Sentissi rappelle que son groupe parlementaire a maintes fois plaidé pour la mise en place d’une Commission de contrôle et de suivi des prix des carburants. «Nous ne pouvons pas continuer à ignorer cette demande», dit-il, en évoquant la possibilité de déposer une motion de censure. «Nous avons les moyens de la faire passer, même si nous sommes minoritaires», conclut-il.