Abrini au procès des attentats de Paris: «J’ai rien à perdre, je vais prendre perpétuité»

La rédaction

Longuement questionné, Abrini a tenté d’échapper aux questions par des formules évasives et des incohérences dans ses réponses. Il n’a pas convaincu.

Mohamed Abrini face à ses contradictions, face à ses oublis, face à ses mensonges… Ce mercredi, le procès des attentats de Paris est entré dans une nouvelle dimension: celle de la quête de la vérité sur la matérialité d’une série de faits.

Après avoir été auditionné ce mardi, Abrini a à nouveau été questionné, voire même cuisiné, ce mercredi après-midi. Ce qui intéresse la cour, c’est son séjour en Syrie lors de l’été 2015 suivi d’un retour vers la Belgique en empruntant un intrigant parcours par l’Angleterre, puis Paris et enfin Bruxelles.

C’est notamment Abdellah Chouaa, accusé de ce procès et comparaissant libre, qui l’a déposé à Zaventem où il devait prendre un vol vers la Turquie avant de rejoindre la Syrie. Abrini tente de protéger son pote qui joue gros dans ce procès. «  Vous en voulez à un homme parce qu’il m’a déposé à l’aéroport?  » s’agace Abrini. Le président lui répond: « Je n’en veux à personne…  » Chouaa savait-il que son ami partait vers la Syrie? Les déclarations d’Abrini aux enquêteurs ne sont pas claires. Alors Abrini s’énerve et tape sur le compte des conditions d’interrogatoire. «  Quand on est auditionné dans des faits de terrorisme, c’est pas des auditions de type normal. Des hommes en cagoule entrent dans votre cellule, vous soulève de votre lit, font passer du heavy metal à fond… » Officiellement, Abrini voulait aller se recueillir sur la tombe de son frère, mort au combat en Syrie. «  Je ne me souviens pas d’avoir dit à Abdellah Chouaa que je partais en Syrie. C’est des détails pour moi… » Mais pas des détails pour la cour.

Déplacement «hautement suspect» en Angleterre

Après 9 jours sur place, il revient en Europe par l’Angleterre. Dans leurs déplacements, les djihadistes ont l’art de multiplier les étapes pour brouiller les pistes. Mais s’il passe par Birmingham et Manchester, c’est parce qu’il a une mission à accomplir: celle d’aller rechercher une somme d’argent (environ 3 000£). Sur place, Abrini enchaîne les appels téléphoniques avec des cartes et des téléphones différents. Le président veut comprendre. D’autant plus qu’un projet d’attentat avorté en Angleterre est apparu, par la suite, dans l’enquête. « J’essaye de comprendre pourquoi vous appeler certaines personnes. » Réponse d’Abrini: « moi aussi, j’essaye de comprendre.  » Pour l’avocat général, il s’agit « d’un déplacement hautement suspect et qu’il ne s’agissait pas de récupérer une somme d’argent. »

«Vous êtes dans la paranoïa»

Pour gagner Bruxelles, Abrini passe par l’aéroport de Roissy à Paris. Il explique cet itinéraire surprenant par une volonté d’éviter la police à l’aéroport de Bruxelles car il se savait recherché après son départ en Syrie. Mais le président doute de cette explication. L’accusé devait-il prendre des contacts à Paris pour fomenter une attaque ou pour mettre en place un plan conspiratif? « Vous êtes dans la même paranoïa qu’en Angleterre, » minimise Abrini. «  Je ne sais pas si c’est de la paranoïa, c’est de la curiosité,  » répond le président Périès. Abrini a en effet multiplié les explications sur les véritables raisons de sa venue à Paris. Le juge le place face à ses déclarations: « au départ, vous ne saviez pas. Maintenant, vous avez une réponse claire et nette.  » Réponse du Molenbeekois: «  je ne sais pas Monsieur le président. »

«Elle est où la vérité?»

Et cette fameuse liasse qu’il ramène d’Angleterre. Mohamed Abrini s’emmêle les pinceaux. Au cours des différents interrogatoires, il a varié les déclarations sur la destination de cet argent. «  Elle est où la vérité?« , demande le président. « La vérité, j’en sais rien Monsieur.  » Pour un frère d’Abdelhamid Abaaoud, pour Brahim Abdeslam? Jean-Louis Périès ouvre une autre porte, au hasard: « vous l’avez gardé pour vous? » «  Oui, c’est ça, » bondit Abrini. Périès est navré: « J’ai l’impression que si je vous propose une autre version, vous allez me dire ‘oui’. »Par contre, Abrini anticipe: « Si votre inquiétude est de savoir si cet argent a servi pour les attentats, la réponse est ‘non’. » Ce mercredi Abrini n’a convaincu personne mais se défend de mentir. « Je vais sûrement prendre perpétuité. J’ai un deuxième procès en Belgique où je vais aussi prendre perpétuité. J’ai rien à perdre, je ne vois pas pourquoi je vous mentirais. »

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