Comment la police a pu démanteler un réseau de téléphonie cryptée prisé des criminels
La rédaction
L’opération, menée par quelque 1 600 agents, qui ciblait les utilisateurs de ce logiciel réputé inviolable, a permis la saisie de 17 tonnes de cocaïne, d’armes, de voitures de luxe, d’uniformes de police ou encore d’1,2 million d’euros.
La police belge a mené, mardi 9 mars, ce qu’elle présente comme la plus grande opération de son histoire en ciblant un milieu criminel « tentaculaire » qui utilisait des téléphones cryptés, équipés du logiciel de la société Sky ECC, qui opère à partir du Canada et des Etats-Unis. La mobilisation de quelque 1 600 agents pour plus de 200 perquisitions a permis la saisie de 17 tonnes de cocaïne, d’armes, de voitures de luxe, d’uniformes de police, d’une somme de 1,2 million d’euros, etc.
Un quart des utilisateurs actifs du logiciel de Sky ECC, réputé inviolable par ses promoteurs, était localisé en Belgique et aux Pays-Bas. Attirant l’attention des enquêteurs, et notamment ceux d’Anvers confrontés à une véritable explosion du trafic de cocaïne, le réseau de ces « cryptophones » a toutefois pu être pénétré en 2018. Et les policiers belges ont intercepté au total 1 milliard de messages, dont la moitié a été décryptée à ce stade.
De quoi obtenir « une image plus claire et plus détaillée du fonctionnement des organisations criminelles concernées, de leur caractère mondial, de leurs moyens financiers illimités, de leur absence de scrupules, de leur agressivité », indiquait mardi soir le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw.
Confrontés à une tâche titanesque – 3 millions de messages cryptés, écrits, enregistrements ou photos, s’échangent chaque jour entre les utilisateurs de Sky ECC –, les experts belges ont bénéficié d’une coopération internationale pour identifier, dans un premier temps, les personnes fournissant des téléphones cryptés aux milieux criminels. Quarante-huit suspects ont été interpellés dont, selon des quotidiens néerlandophones, un avocat et un avocat stagiaire.
Selon le parquet fédéral, il s’agit d’« une des plus grandes opérations jamais organisées sur le territoire belge » en termes d’effectifs déployés. L’opération vise notamment des trafiquants de drogues, en particulier impliqués dans le trafic de la cocaïne, avec des ramifications internationales. Mais « à ce stade », la Belgique intervient seule dans l’opération sans avoir eu à solliciter d’autres pays, a souligné Eric Van Duyse, porte-parole du parquet fédéral.
Principale porte d’entrée en Europe de la cocaïne venue d’Amérique du Sud, le gigantesque port d’Anvers est régulièrement le théâtre d’opérations de police et de saisies douanières. En 2020 les autorités belges ont saisi près de 65,5 tonnes de cocaïne à Anvers, soit un nouveau record. Depuis 2013 les volumes interceptés ont été multipliés par environ quatorze. Ce trafic, organisé en partie depuis les Pays-Bas, génère une criminalité de plus en plus importante dans la région d’Anvers et la province voisine du Limbourg (nord).
L’opération menée mardi matin entre dans le cadre d’une enquête judiciaire conduite par un juge d’instruction de Malines (nord), sous l’autorité conjointe du parquet fédéral et du parquet d’Anvers. Les investigations, qui durent depuis deux ans et demi, ciblaient mardi « tous les milieux criminels, et particulièrement ceux actifs dans le trafic de drogue », a encore fait valoir Eric Van Duyse