Un millier de personnes contre l’interdiction du foulard dans l’enseignement supérieur
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Environ 1200 personnes réparties en Plusieurs groupes, selon la police de Bruxelles-Ixelles, et plusieurs milliers selon les organisatrices se sont rassemblées dimanche après-midi au Mont des Arts à Bruxelles. Elles protestaient contre l’arrêt de la Cour constitutionnelle donnant raison à un établissement d’enseignement supérieur qui entend interdire à ses étudiants de porter des signes manifestant une appartenance philosophique ou religieuse.
Rassemblés sous la bannière «#HijabisFightBack Protest», les manifestants comptaient de nombreuses femmes portant le foulard. Elles ont réclamé au micro que les institutions les laissent faire leurs propres choix. Elles ont scandé des slogans comme «Pas touche à mon foulard» et «Pas touche à mes études».
Une centaine de femmes portant le foulard ont fièrement agité la coiffe des diplômés. Hajare Boujtat, porte-parole du collectif des 100 diplômées, fait valoir que ces femmes ont dû affronter de nombreuses discriminations avant de décrocher leurs diplômes. Si la cour constitutionnelle a estimé dans son arrêt que «la disposition en cause ne fait pas de distinction fondée sur la nature des convictions religieuses», Hajare Boujtat dénonce une discrimination de fait. «Sur le papier, ça dit que ce n’est pas discriminatoire, mais dans la réalité, la plupart du temps, ça vise les femmes portant le foulard, même si d’autres minorités peuvent être aussi atteintes. Donc, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Ce sont les femmes portant le foulard qui sont plus particulièrement exclues».
«Neutralité n’est pas exclusion»
Le message «Neutralité n’est pas exclusion» était arboré sur des pancartes. Souhaïla Amri, membre du collectif Imazi Reine, défend que l’interdiction des signes religieux au niveau de l’enseignement supérieur dépasse le principe de la neutralité de l’Etat et tend vers une laïcisation de la société. «On est pour la neutralité comme elle est définie à la base, c’est-à-dire que cette neutralité d’Etat va garantir que toutes les religions puissent cohabiter ensemble dans la société. Il s’avère qu’aujourd’hui on n’est pas dans ce schéma de pensée et c’est scandaleux».
Plusieurs élèves avaient introduit en novembre 2017 une action en cessation devant le tribunal de première instance de Bruxelles contre le règlement d’ordre intérieur de la Haute école Francisco Ferrer de la Ville de Bruxelles, interdisant à ses étudiants, pour rencontrer des objectifs de neutralité, de porter des signes manifestant une appartenance philosophique ou religieuse, notamment un couvre-chef.
Que dit l’arrêt ?
Dans cet arrêt, la Cour estime que la Haute Ecole Francisco Ferrer peut créer un « environnement éducatif totalement neutre ». C’est-à-dire ? Un environnement “dans lequel les étudiants ne sont exposés à aucune tentative d’influencer leurs opinions ou convictions politiques, philosophiques et religieuses”. En effet, interdire de “porter des bijoux, insignes et vêtements, en ce compris les couvre-chefs, qui reflètent une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse” pourrait être envisagé “comme une mesure visant (…) à protéger l’ensemble des étudiants contre la pression sociale qui pourrait être exercée par celles et ceux, parmi eux, qui rendent leurs opinions et convictions visibles”.
Par ailleurs, la Cour considère que cette interdiction ne fait “pas de distinction selon les convictions religieuses, politiques ou philosophiques des étudiants”. En clair, l’interdiction concerne tout le monde. La haute juridiction considère également que cette interdiction ne fait pas non plus “naître une différence de traitement basée sur la distinction entre les convictions de la majorité et celles d’une minorité” et qu’elle n’est pas “partiale vis-à-vis des différentes convictions présentes dans la société”. Et donc ?
En Haute Ecole, prévoir un règlement des études qui interdit le port de signes religieux, politiques et philosophiques visibles n’est pas incompatible avec la liberté de religion, telle qu’elle est garantie par l’article 19 de la Constitution et par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Pour le dire simplement, Il n’est pas interdit d’interdire. Concrètement, une Haute Ecole subventionnée ou organisée par la Communauté française pourrait interdire le port de ces signes visibles à travers son règlement général des études.
Un pavé dans la marre
L’arrêt suscite des réactions différentes. Il a été qualifié d’”excellent signal” pour “tous ceux qui sont attachés au principe de neutralité de l’enseignement officiel” et la Haute Ecole Franccisco Ferrer dit se réjouir de cet arrêt. Unia se dit quant à elle “surprise’ et ‘déçue“.
Cet arrêt prend le contrepied d’une autre ordonnance du 4 octobre 2016 du tribunal des référés de Liège. Ce dernier interdisait à la Haute école de la Province de Liège (HEPL) d’appliquer un règlement qui empêche « le port d’insignes, de bijoux ou de vêtements qui expriment une appartenance philosophique, religieuse et/ou politique ».
Une question préjudicielle ?
Cet arrêt de la Cour constitutionnelle est rendu sur “question préjudicielle”. Il s’agit d’un mécanisme par lequel un premier tribunal pose une question à un deuxième tribunal. Et pour cause, c’est la deuxième juridiction qui est compétente pour trancher la question. Or, cette question est indispensable pour trancher le litige. Ici, la question provenait de la chambre des référés du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.