Coronavirus : 22000 Marocains bloqués à l’étranger appellent à l’aide
Le Maroc n’aura d’autres choix que de rapatrier rapidement ces Marocains bloqués à l’étranger. En effet, si la décision de les maintenir à l’étranger, aussi aberrante soit-elle, pouvait s’expliquer par le risque de ramener le virus dans le pays, elle est aujourd’hui caduque avec la prolifération de foyers locaux. Pis, vu la situation des réserves en devises, le pays ne saurait continuer à subvenir à leurs besoins, du moins d’une partie d’entre eux.
Nous avons nourri l’espoir de voir le ministère des affaires étrangères nous annoncer que le Maroc procédera au rapatriement de ses ressortissants bloqués à l’étranger à l’instar de ce qu’ont fait la plus part de pays, à la veille du mois sacré.
Mais après avoir décalé la séance avec la Commission des affaires étrangères, de la défense nationale, des affaires islamiques et des MRE au Parlement du 22 avril à 11h au 23 avril, la tutelle explique que le « droit de retour » est un droit indiscutable mais doit se préparer dans des conditions propices.
Alors que ces Marocains sont bloqués à l’étranger depuis la mi-mars, plus d’un mois plus tard on s’attendait à plus. D’autant que nous assistons quasi-quotidiennement à des vols en partance du Maroc transportant des ressortissants étrangers vers leurs pays d’origine. La déception est d’ailleurs vite exprimée par nos concitoyens bloqués loin de leurs foyers et familles.
Ils sont ainsi 22.000 Marocains en errance à l’étranger. Il n’y a pas d’autres mots pour décrire leur quotidien dans cette période exceptionnelle de pandémie. Le moins que l’on puisse dire est que la situation des Marocains bloqués à l’étranger devient inextricable : humainement, sanitairement et financièrement.
Nous l’avons souligné à maintes reprises, les Marocains bloqués à l’étranger vivent une aberration : ils sont interdits de rentrer chez-eux par leur propre pays et sont contraints à vivre une situation précaire sur tous les plans et ce malgré toute la bonne volonté des services consulaires.
Et là, il faut s’arrêter un instant sur la déclaration du ministre des Affaires étrangères à l’issue de sa dernière réunion au Parlement : il décrie « opportunisme politique » faisant allusion aux Pays-Bas qui ont évacué du Maroc leurs nationaux, 30 vols, avant de rapatrier les binationaux. Comment dénoncer l’attitude d’un pays envers ses binationaux, quand le Maroc interdit son sol à ses propres nationaux ?
Certains de ces ressortissants marocains vivent avec leurs proches, mais une large majorité vit dans des hôtels ou des appartements de fortune, d’autres vivent même à la belle étoile, le cas de ceux bloqués aux frontières terrestres du Maroc notamment à Ceuta et Melilla. C’est intenable de voir les images partagées par nos ressortissants qui dorment à même le sol dans des habitats de fortune en l’absence totale de tout interlocuteur.
Les services consulaires prennent en charge un nombre important de nos concitoyens en difficultés financières, en prenant en charge leur hébergement et en leur offrant en numéraire un per diem d’à peu près 7 euros par jour (50 euros par semaine), comme on l’apprend d’un Marocain bloqué en Espagne. Bien évidemment, les consulats procèdent au cas par cas, selon les situations et les pays.
Mais plus le temps passe, plus le nombre de bénéficiaires va augmenter en pesant lourd sur les bourses des consulats et ambassades du Royaume.
« Aujourd’hui les choses commencent à se faire pesantes. Depuis presque deux mois maintenant, le niveau de vie parisien est très lourd. A titre d’exemple pour les Marocains gros consommateurs des tomates pendant cette période du ramadan, Le gouvernement marocain doit tenir compte que l’autofinancement à des limites. Je suis entièrement d’accord de penser davantage aux plus vulnérables mais ceux qui ont montré leur bonne volonté et leur solidarité commencent à s’impatienter. Ce qui tue c’est le flou et le manque de vision. Aucun semblant de date n’est annoncé », déplore ce Marocain bloqué à Paris.
En plus des per diem, les consulats prennent en charge les cas d’inhumation des citoyens dont l’assurance a expiré, les soins, etc… Mais jusqu’à quant les finances des notre diplomatie peuvent-elles tenir ?
Dotation touristique
Venons-en à la dotation touristique exceptionnelle. Ce n’est qu’un mois depuis la fermeture des frontières que l’Office des changes a mis en place une rallonge exceptionnelle de la dotation touristique de 20.000 DH le 16 avril.
« Il faut d’abord les avoir pour demander à la famille cet effort financier supplémentaire en ces temps d’incertitudes économiques qui planent sur le Maroc », déplore un autre ressortissant.
Un Marocain bloqué à l’étranger a d’ailleurs déjà essuyé un refus de la part de son agence bancaire de bénéficier de cette dotation. Nous avons contacté l’Office des Changes pour en savoir un peu plus sur le recours possible en pareil cas. « Il faut rappeler que la principale condition pour bénéficier de cette dotation exceptionnelle est d’avoir épuisé sa dotation touristique. Il arrive qu’un client demande à profiter de la dotation exceptionnelle, ce qui pourrait expliquer le refus. En tout cas, les personnes qui s’estiment lésées peuvent nous contacter, mentionner la banque et l’agence et nous nous chargeons de leur faire un retour très rapide », nous explique-t-on.
Ceci dit, les conditions quotidiennes de vie de ces Marocains bloqués à l’étranger peuvent être une entrave pour entamer des démarches de quelque sorte que ce soit
« Ne pas laisser des Marocains revenir chez eux n’a pas de sens. Certaines dépriment ici, d’autres pensent entamer une grève de la faim », nous apprend un Marocain bloqué en France et en désespoir de cause de rentrer un jour chez lui auprès des siens.
Jusqu’à quand devront-ils encore attendre, certains dans des situations dramatiques ? Un début de visibilité n’est pas trop demander.