L’affaire Hajar Raissouni : un instrument pour museler la presse au Maroc ?
Le procès de la journaliste Hajar Raissouni, 28 ans, prévu le 9 septembre a été reporté au 16. Emprisonnée depuis le 31 août pour “avortement illégal” et “débauche”, son arrestation a relancé le débat sur les libertés, individuelles mais aussi politiques, au Maroc, relate RFIdans sa Revue de presse Afrique.
Hajar Raissouni, 28 ans, a été arrêtée il y a dix jours pour “avortement illégal” et “relations sexuelles hors mariage” [délits passibles d’emprisonnement dans le Code pénal marocain]. Son fiancé [de nationalité soudanaise] a également été interpellé [ainsi que l’équipe médicale qui l’a soignée, soit un gynécologue obstétricien, son assistante et un aide-soignant]. Une affaire qui fait du bruit [Raissouni affirme s’être rendue aux urgences dans une clinique de Rabat suite à une hémorragie interne.]
“La société civile se mobilise pour sa libération”,Akhbarona Aljalia qui fait le point sur les différentes prises de position. À commencer par celle du Conseil national des droits de l’homme au Maroc, qui, sortant de son silence, “a réclamé hier une ‘prompte’ remise en liberté de Hajar Raissouni et de son fiancé”. Dans le même document, le Conseil insiste sur “la protection des libertés individuelles et de la vie privée, et ce, en respect, entre autres, des dispositions constitutionnelles”.
Les organisations internationales de défense des droits humains appellent aussi à la libération de la jeune journaliste marocaine. Les Reporters sans frontières, pour qui les affaires de mœurs au Maroc “sont souvent utilisées comme des moyens de pression contre les personnes considérées comme gênantes pour le pouvoir”. Human Rights Watch, de son côté, évoque un “manque de respect du pays pour les libertés individuelles”. Enfin, Amnesty International dénonce “une violation flagrante de la vie privée de la journaliste”.
Voix dissidentes
Au Burkina Faso, Le Pays s’intéresse lui aussi au cas de Hajar Raissouni. Le journal revient sur les critiques des ONG et de la société civile, qui voient dans ce procès “une persécution politique liée au métier de la prévenue”. La jeune journaliste, sans appartenance politique affichée, est toutefois connue pour son activisme notamment en faveur du Hirak (mouvement de contestation) rifain. Le Pays précise : “elle travaille pour un célèbre quotidien critique au Maroc” [Akhbar Al-Yaoum, arabophone, proche de l’aile réfractaire du Parti de la justice et du développement, PJD, parti islamiste dont est issu le chef du gouvernement]. Raissouni “a aussi des liens de famille avec un éditorialiste aux écrits acrimonieux à l’encontre du pouvoir et idéologue ultraconservateur tout aussi acerbe, dont elle est la nièce” [Ahmed Raissouni, idéologue du Mouvement unicité et réforme (MUR), matrice du PJD, proche du Qatar et dirigeant de l’Union mondiale des oulémas musulmans connu pour ses critiques acerbes à l’endroit de la Commanderie des croyants, pilier de la légitimité de la royauté au Maroc].
De là à voir derrière l’embastillement et les ennuis judiciaires de la jeune journaliste une volonté de musellement de voix dissidentes, il y a un pas que les défenseurs de la jeune dame ont vite fait de franchir.”
“Mais le roi se trompe d’adversaire”, estime le journal burkinabé. “Il se trompe d’autant plus lourdement que si l’objectif inavoué de ce procès était de réduire au silence des voix gênantes, cela aura produit l’effet contraire en donnant à l’affaire une répercussion qui n’aurait jamais dû dépasser les frontières du royaume.”