Au Maroc, le long procès des leaders du Hirak

 le 29/05/2018 

Il y a un an, la police marocaine arrêtait Nasser Zefzafi, leader des manifestations qui ont secoué le Rif durant des mois.

Jugé à Casablanca avec une cinquantaine de détenus, il vient de se mettre en grève de la faim.

Un rassemblement de soutien s’est tenu à Casablanca dimanche.

À Casablanca, en janvier dernier, des manifestants apportaient leur soutien aux militants rifains en prison.

Leurs voix résonnaient, dimanche soir, sur la place des Nations-Unies, au cœur de Casablanca.« Liberté, dignité, justice sociale ! », « Vive le Rif ! », « Vive le peuple ! »… Des slogans empruntés au Hirak, ce mouvement qui a agité le Rif d’octobre 2016 à l’été 2017.

Ils étaient quelques centaines, venus réclamer la libération des détenus « politiques » rifains, un an après le début de la vague d’arrestations qui allait toucher le Hirak. Le 29 mai 2017, en effet, l’arrestation du charismatique leader du mouvement, Nasser Zefzafi, marquait le début de la répression. La police lui reprochait d’avoir interrompu le prêche du vendredi dans une mosquée de sa ville, Al-Hoceima. Des centaines de militants ont suivi son sort. Les manifestations, qui ont duré des mois, se sont alors presque arrêtées dans les semaines qui ont suivi.

La mobilisation avait débuté dès octobre 2016, après la mort, à Al-Hoceima, de Mouhcine Fikri, un vendeur de poissons broyé dans la benne d’un camion-poubelle. Il tentait de récupérer sa marchandise pêchée (illégalement) et saisie par les autorités. Des milliers de Rifains avaient alors réclamé de meilleures conditions de vie. Parmi les revendications : le développement de la région, l’installation de services publics, des emplois, ou la fin de la hogra (humiliation). Les manifestants scandaient systématiquement le mot silmya (pacifique).

En octobre dernier, le roi avait limogé plusieurs responsables politiques et administratifs, jugés responsables des retards dans le développement de la province. Le gouvernement a aussi annoncé l’accélération des projets lancés dans cette région enclavée, longtemps abandonnée par l’État. En parallèle, plusieurs centaines de personnes étaient condamnées pour leur participation aux manifestations.

Nasser Zefzafi et une cinquantaine d’autres détenus ont été transférés à Casablanca pour y être jugés. Leur procès dure depuis huit mois. Maintenu à l’isolement, le leader du Hirak a annoncé mercredi dernier une grève de la faim – « de non-retour » – pour protester contre les conditions de sa détention. « Sa famille et onze autres détenus ont aussi décidé de l’imiter », indique Amina Khalid, coordinatrice du comité de soutien aux prisonniers politiques, qui organisait la manifestation de dimanche.

Le procès a été parfois houleux. Les accusations de maltraitance des détenus par la police, notamment, ont été récurrentes. La semaine dernière, la tension est montée d’un cran quand Nasser Zefzafi a accusé le président d’être « partial ». « Est-ce vraiment un procès équitable ? Tous les droits des détenus ont-ils été préservés ? Je suis inquiet car la défense n’a pas bénéficié des mêmes garanties que l’accusation », indiquait vendredi Me Mohamed Aghnaj, avocat de la défense, à l’issue d’une audience.

« Il y a eu une liberté totale, pour les accusés et les avocats de la défense, d’exprimer leur point de vue », assure de son côté MBrahim Rachidi, avocat des parties civiles. Il représente notamment des policiers blessés au cours de manifestations qui ont tourné à l’émeute. Pour l’avocat, ce ne sont pas les manifestations qui sont jugées, mais les éventuelles violences. « Il y a des manifestations pacifiques au Maroc, tous les jours, et cela ne pose aucun problème », assure-t-il.

Le verdict n’est pas attendu avant des semaines, voire des mois. Si de nombreux détenus sont jugés pour des délits peu graves, comme la participation à une manifestation illégale, certains risquent des peines sévères. Selon l’AFP, Nasser Zefzafi, poursuivi pour « atteinte à la sécurité de l’État », risque la peine de mort (non appliquée au Maroc depuis 1993).

Si l’issue du procès sera scrutée, la mobilisation de l’État pour le Rif reste attendue par les habitants. « Ce procès n’est qu’une partie du problème, estime Me Mohamed Aghnaj. La solution est d’abord politique, humaine, populaire. Il faut accéder aux requêtes des membres du Hirak. »

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