A Paris, le procès de deux journalistes français soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le roi du Maroc

La rédaction

A handout picture released by the Moroccan Royal Palace on November 6, 2021, shows King Mohammed VI delivering a speech to the nation on the occasion of the 46th anniversary of the Green March, in the capital Rabat. - Morocco's King Mohamed VI said that Western Sahara is "not negotiable", as tensions flared with Algeria over the disputed territory. In 1975, the king's father, Hassan II, sent 350,000 civilian volunteers on the iconic march into the Western Sahara. (Photo by Moroccan Royal Palace / AFP) / RESTRICTED TO EDITORIAL USE - MANDATORY CREDIT "AFP PHOTO / SOURCE / MOROCCAN ROYAL PALACE- NO MARKETING NO ADVERTISING CAMPAIGNS - DISTRIBUTED AS A SERVICE TO CLIENTS

Eric Laurent et Catherine Graciet sont accusés d’avoir voulu obtenir 2 millions d’euros en 2015 en menaçant de publier un livre explosif sur Mohammed VI.

Ont-ils voulu faire chanter le roi du Maroc ou sont-ils tombés dans un « traquenard » ? Deux journalistes français sont jugés, lundi 16 janvier à Paris, soupçonnés d’avoir voulu obtenir 2 millions d’euros en 2015 en menaçant de publier un livre explosif.

Rendez-vous discrets dans des hôtels, enregistrements clandestins, surveillance policière et enveloppes de billets : cette rocambolesque affaire remonte à l’été 2015. Déjà auteurs en 2012 d’un précédent ouvrage sur Mohammed VI interdit au Maroc, Le Roi prédateur, Eric Laurent et Catherine Graciet ont à l’époque signé, quelques mois auparavant, un nouveau contrat d’édition avec Le Seuil pour un livre sur le même sujet.

Le 23 juillet 2015, Eric Laurent contacte le secrétariat particulier du roi du Maroc en vue d’obtenir un rendez-vous, finalement organisé le 11 août avec un émissaire de la monarchie, l’avocat Hicham Naciri, au bar d’un palace parisien. Lors de cette rencontre, M. Laurent annonce la publication prévue début 2016 du livre contenant des informations embarrassantes pour la monarchie.

Cette fois sous la surveillance de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), un autre rendez-vous entre l’émissaire et Eric Laurent a lieu le 21 août dans le même hôtel. Une troisième entrevue se déroule le 27 août, dans un autre hôtel, cette fois en présence aussi de Catherine Graciet. Les deux journalistes signent alors un accord financier à hauteur de 2 millions d’euros pour retirer le projet de livre. Avant d’être interpellés avec deux enveloppes contenant chacune 40 000 euros en liquide.

Ils apprendront alors que les trois rencontres ont été enregistrées en cachette par l’émissaire du roi, qui a remis des copies aux enquêteurs. Ces captations, jugées illégales par la défense des deux journalistes, ont été au cœur d’une bataille procédurale pendant l’instruction. La Cour de cassation a finalement rejeté leurs recours en novembre 2017. Ces enregistrements, qui comprennent de nombreux passages inaudibles, seront vivement débattus à l’audience.

Initialement mis en examen aussi pour extorsion, Eric Laurent, 75 ans, et Catherine Graciet, 48 ans, ont bénéficié d’un non-lieu pour ce chef à l’issue de l’information judiciaire, qui a duré près de six ans. Le premier est un ancien reporter de Radio France et du Figaro Magazine, chroniqueur à France Culture, auteur de nombreux ouvrages, dont l’un controversé sur le 11-Septembre 2001. La seconde a travaillé au Maroc et publié des livres sur le Maghreb ainsi que sur la Libye. Les deux prévenus encourent cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Pendant l’instruction, ils ont reconnu avoir accepté un contrat pour se « défaire » du livre, dont les conséquences géopolitiques les « inquiétaient », mais ils ont contesté toute menace et tout chantage. « Mme Graciet n’a pas exercé le moindre chantage dans cette affaire et elle considère avoir été victime d’un traquenard en bonne et due forme », a estimé auprès de l’AFP Eric Moutet, son avocat. « Les deux prévenus sont tombés dans un piège, un traquenard tendu par les services marocains », a abondé Serge Portelli, conseil de M. Laurent. L’avocat du royaume du Maroc, Antoine Vey, n’a pas souhaité faire de déclaration.

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