Pourquoi les tests de virginité perdurent-ils au Maroc?

L’Organisation mondiale de la santé appelle le pays à bannir cet examen, jugé dangereux. D’autres pays où il est également pratiqué sont aussi visés.

En plus de n’apporter aucune véritable preuve, les tests de virginité peuvent être vécus comme des expériences particulièrement traumatisantes.

Une sociologue marocaine alerte sur la dangerosité des “tests de virginité”. D’après elle, ils ne prouvent rien et risquent de persister dans son pays tant que les filles seront considérées comme des vecteurs de l’honneur familial.

“La valeur du garçon est liée à son expérience sexuelle avant le mariage alors que la valeur de la fille est liée à sa virginité jusqu’au mariage”, a déclaré Soumaya Naamane Guessous, la professeure universitaire en question, contactée par AJ en réponse à une campagne internationale lancée ce mois-ci.

Aucun test ne peut prouver qu’une femme a eu ou non un rapport sexuel, encore moins en examinant l’état de son hymen. C’est ce qu’assurent l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Conseil des droits de l’homme des Nations unies et ONU Femmes dans un communiqué conjoint, publié le 17 octobre dernier.

Les trois organisations appellent les gouvernements à abolir cette pratique dans les pays où les “tests de virginité” sont monnaie courante, notamment au Maroc, en Égypte, en Inde, au Brésil, en Afghanistan, en Libye, en Turquie, ou encore en Jamaïque.

Une pratique humiliante

Les organisations rapportent également l”apparition de cette pratique au sein de groupes d”immigrés résidant dans des pays développés où elle n”avait encore jamais été documentée, comme la Belgique, la Hollande, l’Espagne, le Canada et la Suisse.

D’après les organisations, le test “de deux doigts”, qui n’a aucun fondement scientifique ou clinique, est une violation des droits humains de la femme et peut porter atteinte à son bien-être physique, psychologique et social, à court comme à long-terme.

L”examen peut être “douloureux, humiliant et traumatisant” et peut ainsi provoquer des saignements et infections des parties génitales, des maladies sexuellement transmissibles, et être la source de traumatismes, de comportements sexuels à risque pour ‘préserver’ la virginité, et, dans des cas extrêmes, des suicides et meurtres si la femme “échoue au test”.

Un certificat de protection

Au Maroc, la pratique est encore très répandue quelle que soit la classe sociale, assure Soumaya Naamane Guessous, qui s’est longuement intéressée à la sexualité des femmes dans le pays. Elle dénonce de longue date cette pratique.

“Les gynécologues marocains font énormément de certificats de virginité. En une journée, surtout pendant la période des mariages entre juin et août, un gynécologue peut donner jusqu’à 10 certificats de virginité par jour. Ce document est une atteinte à l’intimité de la femme. Il est d’ailleurs le plus souvent demandé par les propres parents de la fille”, déclare Soumaya Naamane Guessous.

D’après la sociologue, la Marocaine se retrouve obligée de se soumettre à l’examen notamment avant la nuit de noce, soit à la demande du futur mari, de la belle-famille ou des parents qui exigent parfois au médecin de leur indiquer si l’hymen est intact ou s’il a déjà subi des déchirures. Quand il est demandé par la mère, le certificat agit comme une garantie pour protéger sa fille contre d’éventuelles accusations du futur mari.

“Une fille peut également subir ce test si ses parents doutent de sa conduite en dehors de la maison ou s’ils la surprennent aux côtés d’un garçon”, ajoute l’auteure du livre Au delà de toute pudeur.

Par ailleurs, le test n’est pas toujours pratiqué par un médecin, avertit la sociologue. Un membre de la famille, une tante, ou encore une qabla [sage femme traditionnelle] peuvent elles aussi effectuer “le test de deux doigts” à la demande de la famille.

Démystification de la vierge

Pour la sociologue, tant que la virginité est attachée à l’honneur, cette pratique persistera.”D’un côté, l’honneur de toute une famille est lié à une membrane et de l’autre, l’éducation est inégalitaire entre le garçon et la fille”, regrette la sociologue ajoutant que ce sont les femmes, et non pas les hommes, qui “sauvegardent jalousement” ces rituels imposés aux filles.

Sensibiliser les Marocains peut se faire à travers des campagnes qui viseraient d’abord à expliquer ce qu’est la virginité et les organes génitaux féminins aux familles et leur faire comprendre que le but de la campagne n’est pas de libérer la sexualité, recommande Soumaya Naamane Guessous.

Pour sa part, l’OMS suggère de sensibiliser d’abord les médecins et les convaincre de refuser de fournir les certificats de virginité avant d’encourager les gouvernements et les institutions médicales à promulguer un soutien législatif et politique à la question pour éliminer de manière durable les tests de virginité.

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