Qui était Jamal Khashoggi et pourquoi a-t-il été assassiné

“Bien qu’il soit considéré comme une figure d’opposition, Khashoggi ne s’est pas vu ainsi”, selon Yasin Aktay, sociologue et conseiller du président du Parti de la justice et du développement

amal Khashoggi, un journaliste saoudien et chroniqueur du journal américain “Washington Post” a été vu pour la dernière fois le 2 octobre. Il était entré au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul et n’a jamais été vu sortir. Depuis, la probabilité de son meurtre à l’intérieur du consulat par un escadron saoudien privé s’est progressivement renforcée.

Après dix-huit jours de déni, Riyad a admis que le journaliste a trouvé la mort à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul, [après une bagarre qui aurait mal tournée].

Mais pourquoi Jamal Khashoggi a-t-il été assassiné ?

“Aux yeux de Riyad, Khashoggi avait le potentiel nécessaire pour organiser l’Opposition [saoudienne]. Bien que ce soit le rôle [figure d’opposition] qui lui est attribué, il ne s’était jamais considéré comme tel”, a répondu à Anadolu, Yasin Aktay, sociologue et conseiller du président du Parti de la justice et du développement (AK Parti, au pouvoir).

Le haut responsable turc n’a pas manqué de s’interroger : “D’où venait cette suspicion [de Khashoggi]?”.

“Je pense que ces suspicions sont nées du paranoïa du pouvoir et d’une certaine lâcheté”, a estimé le conseiller du président de l’AK Parti.

Aktay qui était également un ami du journaliste saoudien assassiné a fait savoir que “Khashoggi venait d’une famille bien établie. Descendant d’un grand-père turc, Muhammed Halit Kaşıkçı, il faisait partie de milliers de citoyens saoudiens d’origine turque. Il vivait à Washington, depuis un an et demi, et tenait une chronique pour le “Washington Post””.

“Il avait prévu d’épouser Hatice Cengiz, sa fiancée turque qui l’avait attendu, pendant plusieurs heures, devant le consulat d’Arabie saoudite le jour de son assassinat. En effet, Khashoggi devait obtenir un certificat de célibat ; un document nécessaire pour finaliser les démarches administratives de son mariage”, a ajouté le Professeur de sociologie.

Et Aktay de renchérir : “En outre, Khashoggi se rendait fréquemment à Istanbul afin de participer à des symposiums, lesquels examinaient des solutions au malaise du monde musulman”.

Selon le responsable turc, “Istanbul représente un centre d’importance capitale pour les communautés musulmanes ainsi que pour le monde en général. D’ailleurs, Istanbul accueille la plupart des réunions concernant le monde musulman”.

“Un programme était organisé presque chaque mois et Khashoggi était de ceux qui venaient en premiers à l’esprit des organisateurs”, a-t-il précisé.

-“Il considérait la Turquie comme un modèle pour le monde arabe”

Le vent de liberté et de démocratie soulevé par “le Printemps arabe” avait suscité beaucoup d’espoir chez le journaliste saoudien Khashoggi. Il avait, à cet effet, rédigé des articles et prononcé des discours sur la nouvelle ère qui s’annonçait en Égypte, en Libye et au Yémen.

Pour lui, le monde musulman ne saurait surmonter les problèmes qu’il affronte que par la démocratie. La Turquie, avisait-il, pourrait, à cet effet, servir de modèle pour le monde musulman compte tenu de ses avancées démocratiques et ses développements économiques.

“Khashoggi estimait que la Turquie pouvait constituer un bon modèle pour le monde arabe. Selon sa vision, le monde arabe en serait influencé et ferait des progrès tôt ou tard”, a expliqué Aktay.

“Khashoggi était, bien évidemment, conscient du fait qu’aucun modèle ne pouvait être intégralement transféré. Toutefois, il espérait que cette inspiration et cette influence de la Turquie résonneraient dans cette partie du monde”, a-t-il renchéri.

Cependant, le chroniqueur du “Washington Post” a vu ses espoirs fondre dans les pays où le gouvernement saoudien s’est impliqué.

“Pendant “le Printemps arabe”, ses positions s’opposaient à celles des autorités saoudiennes”, a précisé le conseiller du président de l’AK Parti.

Et Aktay d’ajouter : “Il était contrarié par les contributions négatives de l’Arabie saoudite au “Printemps arabe”. Depuis un an et demi, il avait été perçu comme un journaliste de l’opposition. Avant, il entretenait de très bonnes relations [avec les autorités saoudiennes]”.

“Jamal Khashoggi ne cherchait pas une alternative. Plus précisément, il ne remettait pas en cause la monarchie en Arabie saoudite. Il souhaitait, toutefois, que son pays devienne un royaume plus démocratique et mieux gouverné à l’instar du Royaume-Uni. C’est pourquoi il avait bon espoir quant aux politiques de réforme lancées par le [roi] Salman bin Abdulaziz. D’ailleurs, il avait prononcé plusieurs discours qui lui sont favorables”, a expliqué le Professeur turc.

-“Il avait ‘Confiance’ en Arabie saoudite”

“Jamal ne pensait pas que son peuple ne commettrait une telle atrocité contre lui. Il était trop confiant pour qu’un tel incident ne se produise pas en Turquie. Il savait qu’il ne serait en aucun cas enlevé en Turquie, Il était confiant, tout comme un homme ordinaire autant plus qu’il s’agissait d’un consulat. Toutefois, cette confiance a été dommageable”, a expliqué Aktay.

Soulignant que Khashoggi avait une grande confiance dans son pays, l’Arabie saoudite, Aktay a regretté: “Il était convaincu que son peuple ne commettrait pas une telle atrocité à son encontre. Il pensait qu’il ne serait aucunement enlevé en Turquie, un État de droit qui se distingue par un service de sécurité de très bonnes capacités. Cette confiance a, toutefois, été dommageable. “

“C’est un incident terrible. Ceci signifie-t-il qu’une personne ne peut pas faire confiance aux services consulaires? Chaque individu à l’étranger doit se rendre au consulat de son pays à un moment donné. Si ces consulats se transforment en des lieux où l’on commette facilement des meurtres, ceci inciterait à ne plus faire confiance à ces services”, a-t-il renchéri.

Et Aktay d’ajouter : “Le monde moderne est connu pour ses relations de confiance sophistiquées, n’est-ce pas? Certes, son pays ne l’accusait pas de crime. Si son opposition était un crime, l’opposition existe depuis des siècles. Il est vrai qu’il s’est parfois opposé à son pays, notamment lors du “Printemps arabe”, mais personne ne lui a demandé: “Pourquoi êtes-vous dans l’opposition?””.

Et le conseiller du président de l’AK Parti de conclure : “Khashoggi s’opposait à plusieurs arrestations ainsi qu’à l’intervention de [2015] au Yémen, laquelle avait abouti à de graves violations des droits de l’Homme. A ses yeux, la présence saoudienne au Yémen avait aggravé le conflit au lieu de le résoudre. Maintenant, nous partageons tous les mêmes observations”.

AA TRT

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