La jeunesse marocaine drague sur smartphone

Facebook est le seul endroit où Nadia [les prénoms ont été modifiés] a le droit de sortir le soir. Depuis sa minuscule chambre sans fenêtre, où le ventilateur tourne à plein régime, elle s’accorde une bouffée d’oxygène. Comme un prolongement d’elle-même, les réseaux sociaux ont révolutionné son univers. Celui d’une jeune employée de banque qui traîne depuis vingt-trois ans une vie banale, étouffée par des traditions auxquelles seuls ses parents croient encore. Dans la pièce à côté, ils sont loin de s’imaginer ce qui se passe dans la tête de Nadia, sous le voile multicolore qui couvre ses longs cheveux châtain foncé. Une soie « de belle qualité venue d’Arabie saoudite », souligne fièrement la jolie Marocaine aux grands yeux noirs.

Chaque matin, pourtant, sitôt le seuil de la banque franchi, elle range son voile dans le tiroir de son bureau. « Il y a un temps pour chaque chose », dit-elle. Nadia remet son foulard pour rentrer dans l’appartement de ses parents, dans un quartier populaire de Casablanca. Sur le chemin du retour, ce soir de printemps, dans le bus, sur le boulevard interminable qu’elle remonte à pied ou en bas de son immeuble, Nadia va faire de nombreuses rencontres. « Je ne sais pas si on peut appeler ça des rencontres, corrige la jeune femme. Des rencontres à sens unique peut-être. » Elle a compté : pas moins de quatre hommes l’ont abordée à coups de « jolie gazelle », « alors, tu me passes ton WhatsApp », « tu vas où comme ça, on te voit pas ? ». Sans le voile, elle aurait certainement doublé son score. Mais Nadia les a ignorés un par un, tête baissée. « Dans la rue, ce n’est pas de la drague, c’est du harcèlement. »

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