Du Parc Maximilien à l’hôtel Mozart 1

le chemin de la solidarité

Le propriétaire de l’hôtel Mozart sait recevoir…
Ahmed Ben Abderrahman reçoit en effet généreusement et gracieusement ses hôtes sans abri et autres convives les plus démunis mais depuis quatre hivers consécutifs, c’est parfois plus de 80 réfugiés qu’il accueille chaque jour dans son hôtel et dans sa propre résidence. Au total pour le professionnel de l’hôtellerie, cet accueil chaleureux représente parfois jusqu’à 2.300 nuitées chaque mois depuis novembre dernier.
L’équipe d’Aljalia News a suivi ce citoyen de bonne volonté, homme de cœur épris de fraternité et de solidarité.

Ben, un homme de cœur et de paix

Aljalia News : Qu’est-ce qui vous a amené à entreprendre de telles actions ?
Ahmed Ben Abderrahman : Je mène ces actions parce que depuis au moins 24 ans (dès la fondation de l’Hôtel) je me suis soucié du problème des sans abri, à la demande des hôpitaux, des associations, des services sociaux ou de la police. Je me suis tourné tout naturellement aussi vers ceux qui, d’abord venus de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan (en 2015, 2016 et 2017)…viennent maintenant du Soudan, d’Erythrée ou d’Ethiopie… ou d’autres contrées pour des raisons économiques ou humanitaires.

Aljalia News: Pourquoi vous attelez-vous à cette entreprise en particulier ? Qu’est-ce qui vous motive ?
A. B. A : Les solidarités citoyennes, l’action des associations humanitaires, les efforts individuels de particuliers ou de personnes issues du milieu associatif qui, comme nous, tentent de trouver dans l’urgence des réponses aux problèmes multiples des réfugiés (psychologiques, sanitaires, sociaux, financiers, culturels, communicationnels…) ne suffisent pas, hélas, pour faire avancer la mise en œuvre de vraies solutions. Les citoyens attendent toujours de nos gouvernants qu’ils agissent dans la sérénité, avec pour seule passion l’intérêt des humains, et que par la sagesse de leurs décisions ils restaurent l’image que donne actuellement notre pays.

Aljalia News: Quels sont les moyens logistiques dont vous disposez ?
A. B. A : D’abord le cœur, la patience et la sincérité, ensuite nos seuls moyens : la place disponible à l’hôtel et à la maison, et s’ajoutent l’aide constante de quelques bénévoles et le soutien ponctuel, selon leurs possibilités, d’artisans boulangers qui offrent leurs pains invendus de la journée.
C’est ainsi que chaque jour je tiens personnellement à assurer, sans les choisir, la venue de nos hôtes réfugiés, tout simplement en les véhiculant dans ma voiture, cela fait en réalité un grand nombre de voyages (8 à 15 x 5 minutes) chaque soir vers l’hôtel et vers mon domicile.

Nous nous organisons pour répartir nos hôtes dans les chambres disponibles (parfois 6/7 par chambre et 13 personnes dans la suite royale), mais en transformant aussi les salles de petit-déjeuner (28 personnes) et la buanderie (22 personnes) en dortoirs et je fais de même chez moi dans les chambres et mon salon (20 personnes). Chacun bénéficie ainsi de l’hébergement et d’un confort sanitaire élémentaire (douches et lavage du linge) et bien sûr de la nourriture offerte le soir et le matin. Nous procurons ainsi outre le logement à l’hôtel et à mon domicile en toute sécurité et dans des conditions de confort réconfortantes (sanitaire, vestimentaire et diététique..) un encadrement et une écoute, des échanges qui permettent de redonner à chacun espoir et confiance.

Tout ceci dans une atmosphère de respect, de partage et de réel plaisir du cœur. Lorsque je rentre chez moi après le dernier voyage d’une longue journée, j’ai la joie de voir ces hommes, jeunes pour la plupart, prendre tous du repos dans la sérénité. Entendre le bruit doux de leur sommeil apaisé me réchauffe le cœur et me fait apprécier les fruits de la solidarité et de l’égalité.

Aljalia News : Qu’observez-vous concrètement sur le terrain public (au Parc Maximilien) et dans l’espace privé (dans votre hôtel Mozart) ?
A. B. A : Depuis plusieurs mois, je suis témoin direct de la détresse réelle des réfugiés. Pouvant m’exprimer dans leur langue, l’arabe classique, et connaissant leurs cultures, je peux les entendre et comprendre leurs besoins sans les juger. Je comprends lors d’échanges émouvants jusqu’aux larmes partagées, leurs peines, leurs parcours, leurs histoires – vécues dans leurs chairs – et leurs angoisses face à l’avenir que pourraient leur réserver des décisions administratives ou règlementaires qui ne prendraient pas en compte la réalité de leur situation.
Régulièrement aussi je suis amené à m’occuper de leur état de santé. Les conditions d’hygiène qu’ils ont connues au parc sont propices au développement d’infections ou de troubles de santé. Je les conduis alors en milieu hospitalier ou je leur procure les médicaments nécessaires.

Aljalia News: Mais au parc même, à quels types de problèmes êtes-vous confronté ?
A. B. A : Le premier problème dont souffrent les personnes au Parc est celui de la communication : la langue, la culture, l’origine et la religion doivent pouvoir être prises en compte.
Ensuite, des mesures vexatoires inutiles les perturbent : les interrogatoires (sur l’origine, la nationalité, la provenance de sans-papiers) la distribution de tickets et l’attente durant plusieurs heures dans le froid et la faim. Tout ceci ne favorise en rien l’apaisement des réfugiés et augmente même leur malaise. Il est très rare aussi qu’après 23h on puisse trouver des solutions dignes pour des réfugiés qui sont alors réduits à habiter les rues ou les gares. C’est alors que dans les meilleurs des cas, en catastrophe, on me téléphone pour trouver une solution ! Combien de fois n’ai-je pas entendu des voix anonymes venant du parc : « Monsieur, on m’a dit que vous pourriez nous aider »…

Propos recueillis par
Mohammed Murabet

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