Quand des Sahraouis osent parler paix, la Polisario préfère s’écouter en boucle
Majdi Fatima Zahra
Dans le grand théâtre saharien où le rideau ne tombe jamais, une nouvelle voix commence à se faire entendre. Elle ne crie pas, elle ne menace pas, elle ne promet pas une « victoire finale » qui se fait attendre depuis près d’un demi-siècle. Non, cette voix parle simplement de paix. Elle s’appelle Sahraouis pour la Paix. Et autant dire qu’elle dérange.
Dans une lettre ouverte, cette dissidence de la mythique – mais très fatiguée – Front Polisario, a eu l’audace de remettre en question la stratégie de la guerre. Pire encore, elle propose une sortie , un dialogue ouvert, une solution politique, une adhésion au plan d’autonomie proposé par le Maroc. Bref, une hérésie pour ceux qui préfèrent camper à Tindouf en récitant les mêmes slogans poussiéreux des années 70.
Les auteurs de cette lettre ne mâchent pas leurs mots , la reprise des hostilités en novembre 2020 ? Une décision « coûteuse », prise à la va-vite, sans réel calcul politique ou stratégique. En d’autres termes : un pari perdu, mais dont personne n’ose encore publier le bulletin.
Il faut dire que l’argument massue est implacable , le Maroc, avec ses drones et sa maîtrise du terrain, a clairement mis fin au « statu quo post-1991 ». Pendant que la propagande s’épuise à inventer des victoires imaginaires, la réalité sur le terrain, elle, ne ment pas.
Le plus cocasse ? Ces Sahraouis pour la Paix n’excluent personne du dialogue, même pas leurs anciens camarades de la direction du Polisario. Mieux encore, ils les invitent autour d’une table commune pour discuter d’un avenir sans kalachnikovs ni drapeaux fabriqués à la chaîne. Un crime de lèse-majesté pour une direction habituée aux monologues plutôt qu’aux débats.
Le ton est donné , assez de romantisme révolutionnaire, il est temps d’embrasser une certaine forme de pragmatisme. Comme l’ont fait les Kurdes d’Abdullah Öcalan, ou les anciens indépendantistes du Biafra , déposer les armes pour retrouver une voix. Car au fond, à quoi sert un drapeau si plus personne ne veut – ni ne peut – le porter ?
Derrière ce réveil tardif, on sent poindre un désir presque banal, mais fondamental : celui de vivre. Vivre dignement, en paix, participer à une dynamique de développement, loin des camps de rhétorique surchauffée.
Le Maroc, lui, observe tout cela avec un sourire en coin , après des décennies de confrontation stérile, voilà qu’un nouveau partenaire se dessine. Un interlocuteur sahraoui qui parle d’avenir, pas de nostalgie. De compromis, pas de confrontation.
Certains diront que la légitimité de cette nouvelle voix reste à prouver. Peut-être. Mais une chose est sûre , elle existe. Et rien n’est plus dangereux pour une idéologie rigide que l’émergence d’une alternative.
En refusant d’admettre l’échec de la voie militaire, le Polisario semble oublier que le monde a changé. Les soutiens régionaux s’évaporent, les sympathies internationales se déplacent, et la patience des populations sahraouies, elle, s’érode.
La tragédie ici n’est pas seulement politique, elle est humaine. Ce sont des générations entières sacrifiées au nom d’un rêve figé, alors qu’une solution existe, ici et maintenant. Et cette solution passe, n’en déplaise aux puristes du passé, par Rabat.
Alors oui, Sahraouis pour la Paix est encore loin de remplacer le Polisario. Mais si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est qu’un murmure peut devenir un cri. Et que parfois, le changement commence… par ceux qui osent dire que le roi est nu.