Maroc : la grève de la faim, l’ultime recours des journalistes confrontés à une justice arbitraire

Rédaction

Détenus provisoirement depuis des mois, deux journalistes marocains, Omar Radi et Suleiman Raissouni, observent actuellement une grève de la faim pour demander leur libération. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à mettre un terme aux procédures arbitraires et abusives qui poussent les journalistes à mettre leur vie en danger.

L’un est en détention préventive depuis huit mois, l’autre depuis près d’un an. Les deux sont poursuivis pour des affaires sans lien avec leur activité journalistique et clament leur innocence. Ils assurent que ce sont leurs articles dénonçant la corruption et les inégalités dans le pays qui leur valent d’avoir été jetés en prison. Leur procès, qui devait s’ouvrir au début du mois, a été de nouveau reporté ; leurs demandes de libération provisoire ont été rejetées à une dizaine de reprises. Victimes de procédures arbitraires et abusives, le rédacteur en chef du quotidien Akhbar al Yaoum, Suleiman Raissouni, et le journaliste indépendant Omar Radi ont choisi de cesser de s’alimenter pour se faire entendre et réclamer leur libération.

Suleiman Raissouni a été le premier à lancer, le 8 avril dernier, un “jeûne de protestation”. A la suite d’une fouille musclée de sa cellule et de la confiscation, notamment, du miel qu’il comptait ingérer pendant sa grève de la faim, le journaliste a cessé également de s’hydrater et a fait part de sa détermination d’aller jusqu’au bout : son épouse a relayé un communiqué sur les réseaux sociaux dans lequel il déclare  que “sa vie prendra une autre tournure : celle de la liberté, de la justice ou de la mort”. Après six jours de grève de la faim sèche, et alors qu’il se trouvait dans un état critique, Suleiman Raissouni, qui a perdu 15 kg depuis le début de son incarcération et qui souffre d’hypertension chronique, a finalement accepté de se réhydrater, après que l’administration pénitentiaire lui a restitué ses affaires.

En huit mois de détention, Omar Radi a, pour sa part déjà perdu 10 kg et souffre d’asthme et souffre de la maladie de Crohn, dont une crise aiguë l’expose, depuis deux semaines, à des diarrhées et des vomissements. Depuis le 9 avril, il a lui aussi cessé de s’alimenter. Sa famille comme celle de Suleiman Raissouni tiennent l’Etat marocain responsable du danger que ces grèves de la faim font peser sur leur état de santé.

“Il est inacceptable que des journalistes en arrivent à mettre leur vie en danger pour pouvoir faire entendre justice et retrouver la liberté qu’ils n’auraient jamais dû perdre,déclare le directeur du bureau Afrique du Nord de RSF, Souhaieb Khayati. Les autorités marocaines doivent cesser de recourir à ces procédures arbitraires et iniques qui poussent les journalistes à choisir la pire des solutions pour faire valoir leur droit.” 

Deux autres journalistes marocains ont récemment eu recours à la grève de la faim pour  réclamer leurs droits. Après trois mois de détention préventive et une condamnation prononcée sans que ses avocats n’aient même été prévenus de la tenue de son procès, le journaliste et historien franco-marocain Maâti Monjib a décidé, le 4 mars dernier, de cesser de s’alimenter malgré sa santé fragile. Si Maâti Monjib a été libéré après 20 jours de grève de la faim, le journaliste sahraoui Mohamed Lamin Haddi, collaborateur de RASD TV, est lui toujours derrière les barreaux et a été nourri de force par une sonde nasogastrique après avoir cessé de s’alimenter normalement pendant 78 jours pour dénoncer les mauvais traitements dont il fait l’objet. Incarcéré depuis le 20 novembre 2010, Mohamed Lamin Haddi a été condamné à 25 ans de prison en 2013.

Le Maroc occupe le 133e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 de RSF.

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