Lutte antiterrorisme: L’Algérie grande absente du G5 Sahel.

Gherrabi

Regroupant 5 pays du Sahel, l’alliance est censée lutter contre le terrorisme dans cette région durement touchée par le phénomène.
Baptisée G5 Sahel, l’organisation dédiée à la sécurité et au développement est créée en 2014 par la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad, des pays directement menacés par les groupes terroristes dans la région.
Alger ne l’avait pas envisagé. La création d’une force militaire dans la bande sahélo-saharienne sans elle.
Lemonde: C’est un scénario qu’aucune sphère du pouvoir algérien n’avait envisagé : la création d’une organisation dédiée à la paix et à la sécurité dans la bande sahélo-saharienne sans la participation de l’Algérie.
Eviter les querelles de leadership
On aura vite compris que cette nouvelle organisation ne veut pas s’épuiser dans des querelles de leadership, ni même voir ses ambitions entraver par un « grand frère » algérien qui n’a pas toujours assumé ses responsabilités. Et comme pour apporter la preuve qu’il est le « bon format, à la bonne échelle », le G5 Sahel a lancé des projets tous azimuts en matière de lutte contre l’insécurité dans le Sahel.
Il entend ainsi ouvrir, avant la fin de l’année, une école de guerre à Nouakchott en Mauritanie et mettre en place un bataillon d’intervention rapide (BIR). Le G5 Sahel revendique déjà une douzaine de patrouilles conjointes entre les armées nationales sur les frontières communes et vante par ailleurs ses avancées pour arriver au partage du renseignement.
Dans ses efforts pour mieux associer sécurité et développement, l’organisation réfléchit au lancement dans les prochains mois d’une compagnie aérienne, Air Sahel, et à moyen terme à la construction d’une ligne ferroviaire Nouakchott-NDjamena passant par le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Derrière les raisons officielles de l’exclusion de l’Algérie du G5 Sahel s’exprime une volonté claire de tirer les enseignements de l’expérience avortée de coopération régionale en matière de lutte le terrorisme et les autres forces d’insécurité.
La Mauritanie, le Mali et le Niger n’ont pas oublié que le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), créé en 2010 sous l’égide de l’Algérie, puis installé à Tamanrasset, est resté une coquille vide. De son bilan, il n’existe aucune trace !
Déception des « petits frères sahéliens »
Les trois pays, qui forment aujourd’hui l’ossature du G5 Sahel, n’oublient pas non plus que le centre commun de partage du renseignement, annoncé dans la foulée de la création du CEMOC, n’a jamais réussi à fonctionner.
Le caractère inadéquat de l’aide bilatérale algérienne aux « petits frères sahéliens » est venu ajouter à leur déception et conforter leur préférence de créer un autre choix, sans la puissance militaire algérienne. En janvier 2012, le Mali avait besoin d’une intervention militaire urgente et directe pour stopper la progression des djihadistes, partis du nord, vers Bamako. L’Algérie en avait les moyens, elle ne l’a pas fait.
De même, en mai 2013 lors des attaques terroristes contre les villes d’Agadez et Arlit, sur la frontière algéro-nigérienne, le Niger avait besoin d’une aide directe en forces spéciales. L’Algérie en avait les moyens, elle n’est pas venue à la rescousse de son voisin. Pourtant, elle avait su faire intervenir ces mêmes forces chez elle lors de l’attaque d’In Amenas, en janvier 2013.
Le G5 Sahel s’est doté d’une Convention signée le 19 Décembre 2014 et a son siège en Mauritanie.
Le G5 Sahel a pour but de:
• Garantir des conditions de développement et de sécurité dans l’espace des pays membres ;
• Offrir un cadre stratégique d’intervention permettant d’améliorer les conditions de vie des populations ;
• Allier le développement et la sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre de coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique ;
• Promouvoir un développement régional inclusif et durable.
Le G 5 Sahel contribue à la mise en œuvre des actions de sécurité et de développement dans les Etats membres grâce notamment :
• Au renforcement de la paix et la sécurité dans l’espace du G 5 Sahel ;
• Au développement des infrastructures de transport, d’hydraulique, d’énergie et de télécommunications ;
• A la création des conditions d’une meilleure gouvernance dans les pays membres ;
• Au renforcement des capacités de résilience des populations en garantissant durablement la sécurité alimentaire, le développement humain et le pastoralisme.
Les organes du G5 Sahel:
• La Conférence des Chefs d’État (CCE): elle est l’organe suprême du G5 Sahel. Elle fixe les grandes orientations stratégiques. C’est l’organe des décisions politiques.
• Le Conseil des Ministres :chargé de suivre la mise en œuvre de la politique du G5 sahel, il assure le pilotage et l’impulsion stratégique. Il a pour mission de:
• Veiller à l’exécution des directives de la CCE ;
• Formuler des recommandations à l’intention de la CCE ;
• Recruter les experts du Secrétariat Permanent autre que le Secrétaire Permanent du G5S ;
• Établir et adopter son règlement intérieur ;
• Approuver l’organigramme et le statut du personnel du Secrétariat Permanent du G5S ;
• Approuver les programmes de travail et le budget du G5S ;
• Remplir toutes autres fonctions qui lui sont confiées par la CCE.
Le Conseil se réunit deux fois par an en session ordinaire. La Présidence du conseil est assurée par le ministre tutelle du pays de la Présidence de la CCE du G5S.
• Le Secrétariat Permanent (SPG5S) :C’est une structure légère qui est placée sous l’autorité du Conseil des Ministres afin d’exécuter les décisions de ce dernier. Elle est très souple et efficace, et non budgétaire ne comprenant pas plus d’une vingtaine de personnes au total.
• Le Comité de défense et de sécurité (CNC) :organe particulier, il regroupe les chefs d’état-major général des armées, Directeurs Généraux de la Sécurité des États membres et les responsables mandatés sur les questions de sécurité.
• Les comités Nationaux de Coordination des Actions du G 5 Sahel (CNC): ils sont l’interface ente le SP et les États membres. Ils sont pour la plupart sous la tutelle des Ministres en charge du Développement. Le président du Comité National de Coordination est le Point Focal (PF) du G5S pour son pays.
L’un des principes approches (participative, proactive et complémentaire) est « le faire-faire », basé essentiellement sur les Comités Nationaux de Coordination des Actions du G 5 Sahel. Cette approche signifie que : le G5S conçoit les projets mais c’est à chaque États membres de les exécuter dans une dynamique régionale.
La particularité de cette convention est la création d’un Comité de défense et de sécurité qui est l’organe qui regroupe les Chefs d’état- major général des armées et les responsables dument mandatés pour les questions de sécurité par les États membres.
La stratégie de lutte contre le terrorisme:
La stratégie du G5S est basée sur deux piliers essentiels : la sécurité et le développement, indispensables dans cet immense espace sahélien. La valeur ajoutée du G5S complète les autres organisations régionales sans empiéter sur leurs champs d’expertise.
Du point de vue militaire, le G5S c’est 5000 militaires partagés entre les 5 pays membres, qui seront appuyés par 4000 hommes de la force française de Barkhane. La MINUSMA (Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali), via la résolution 2391 du Conseil de Sécurité des Nations, apportera un appui à la force conjointe du G5S. Cet appui prévoirait des évacuations sanitaires ainsi que l’accès aux articles consommables essentiels (carburant, eau et rations), l’utilisation d’engins de levage et de terrassement et de matériel de génie de l’ONU, et d’unités de génie en uniforme de la MINUSMA pour aider à préparer les bases opérationnelles de la Force conjointe au Mali.
Du point de vue financière, le budget de cette force est estimé à 411 millions d’euros. Les gros contributeurs sont
• l’Union Européenne avec 50 millions d’euros,
• l’Arabie Saoudite avec 80 millions de dollar,
• le Qatar avec 30 millions de dollar,
• les États Unis avec 60 millions de dollar
• et la France avec 8 millions d’euros.
Ainsi, chaque État membres du G5S contribue à hauteur de 5 millions d’euros.
Lors de la dernière conférence de donateurs du G5S tenue le 23 février 2018 à Bruxelles, avec 250 millions déjà mobilisés par la force du G5S, le but étant d’atteindre les 300 millions d’euros. La somme escomptée a même dépassé les 300 millions d’euros recherchés.
Mais le problème n’est pas la recherche du budget mais sa gestion efficace, surtout sa pérennité. Car ce combat contre le terrorisme va coûter à la force conjointe plus d’une centaine de millions chaque année, et personne ne peut prédire le temps que cela prendra d’où l’importance de la pérennisation de son financement.

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