Toujours plus de répression en Algérie

Après plus de 500 interpellations dans 23 villes du pays lors de marches le vendredi 19 juin, une centaine de personnes restées en garde à vue étaient déférées dimanche 21 juin devant les tribunaux.

Alerte Bouira. Alerte Tlemcen. Alerte Béjaia, etc. Depuis vendredi 19 juin, le comité national de libération des détenus (CNLD) égraine les arrestations qui se sont multipliées un peu partout en Algérie. Par centaines, des manifestants ont renoué avec les marches du vendredi dans plusieurs villes, désireuses de relancer le Hirak, le mouvement de contestation contre le régime qui a eu raison du projet de cinquième mandat du président Bouteflika au printemps 2019.

Au total, quelque 500 interpellations ont été recensées dans 23 départements. « La plupart ont été relâchées sans poursuite. Mais, dimanche à la mi-journée, une centaine de personnes restées en garde à vue étaient présentées au fil de la journée devant les procureurs de 23 tribunaux, 32 rien qu’à Béjaia », comptabilise Saïd Salhi, vice-président de la ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH). Et plusieurs tribunaux annonçaient une énième fois les reports de procès de manifestants interpellés les mois précédents, et pour certains toujours incarcérés. Ainsi, le tribunal de Sidi M’hamed à Alger a-t-il reporté, pour la quatrième fois, au 28 juin, le procès pour incitation à attroupement non armé de 17 personnes arrêtées à Alger, le 14 mars.

« La répression est d’autant plus importante que la mobilisation est faible »

Fallait-il ou non reprendre, chaque vendredi, les marches du Hirak alors que s’amorce le déconfinement ? Saïd Salhi reconnaît qu’il y a eu des divergences sur le sujet, en raison de la pandémie qui perdure, à la différence de la trêve sanitaire décidée en mars dernier. S’il n’est pas lui-même sorti dans la rue, il se sent solidaire de « la population exaspérée par les arrestations ». « Mais il est important qu’on soit en rang serré, la répression est d’autant plus importante que la mobilisation est faible », alerte-t-il.

Selon les premières informations qu’il a pu recueillir les marcheurs ont été interpellés pour « non-respect du confinement » et « incitation à attroupement ». « Mais il y a eu 150 interpellations et vingt comparutions à Tizi Ouzou, alors que le confinement y est levé », s’insurge-t-il. Et dimanche 21 juin, les interpellations ont repris lors de sit-in de solidarité devant les tribunaux. « Arrestation d’une dizaine de personnes venues assister au rassemblement devant le tribunal de Bouira », poste ainsi le CNLD sur sa page Facebook.

Soixante détenus d’opinion

« La pandémie est mise à profit par le pouvoir pour durcir la répression », estime Saïd Salhi. Plus de 200 personnes ont été arrêtées à leur domicile pendant le confinement, journalistes, activistes connus ou anonymes, « essentiellement pour délit d’opinion, pour leurs propos tenus sur les réseaux sociaux qui sont contraires à l’agenda du pouvoir »,précise Saïd Salhi. « Les personnes critiques du pouvoir sont interdites d’accès aux médias, elles sont diabolisées et poursuivies », ajoute-t-il. Le CNLD recense soixante détenus d’opinion toujours derrière les barreaux. Et Reporters sans Frontières (RSF) a récemment appelé « les autorités à cesser d’instrumentaliser la justice pour museler les médias ».

Le général-major Saïd Chengriha, à la tête de l’armée algérienne, se félicitait le 17 juin de la mobilisation contre le coronavirus : « Ceci constitue une preuve irréfutable de la solidité des liens entre l’État et ses différentes institutions, d’une part, et nos concitoyens, d’autre part. Cet attachement et cette cohésion dérangent, sans doute, certaines parties haineuses, qui ont toujours du mal à admettre l’émergence d’une Algérie nouvelle et démocratique ».

 

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