32 000 Marocains bloqués à l’étranger, entre colère et déception

Moroccan citizens wait for their repatriation after being stranded in Spain due to the coronavirus crisis, on May 22, 2020, in the Spanish enclave of Ceuta. About 300 Moroccan citizens, stranded in the Spanish enclave of Ceuta since Rabat closed its borders in mid-March to tackle the coronavirus, were repatriated today, authorities in Melilla said. The spokesman for the Spanish government in Ceuta indicated that, apart from those who are leaving today, "around 150 or 200 more" hope to return to Morocco soon. / AFP / Antonio SEMPERE

Plus de 30 000 Marocains se sont retrouvés bloqués hors de leur pays – qui a fermé ses frontières – à cause de la crise du coronavirus. Le Maroc assure préparer leur rapatriement mais n’avance pas de date.

Éloignés de leurs proches, amers, plus de 30 000 Marocains sont bloqués aux quatre coins du monde depuis que le pays a bouclé ses frontières mi-mars face à la pandémie de Covid-19. Rabat assure préparer leur rapatriement, sans toutefois avancer de date.

Manal devait rentrer chez elle après un séjour touristique en Indonésie. Après une escale à Istanbul, son vol vers Casablanca a été « annulé par la compagnie aérienne » en raison de la suspension sans préavis de toutes les liaisons, raconte à Akhbarona Aljalia  cette ingénieure de 33 ans.

« Je ressens de la colère et un sentiment d’abandon car j’entame mon troisième mois sans savoir quand je pourrais rentrer », lâche-t-elle. En attendant, elle « loue une chambre en colocation, sans aucune prise en charge par le consulat du Maroc à Istanbul ».

Ilias (pseudonyme) avait pris un ferry pour le sud de l’Espagne avec sa compagne, le temps d’un week-end à quelques encablures des côtes marocaines. Lui aussi s’est retrouvé coincé.

« Nous sommes très déçus par l’amateurisme politique et les déclarations contradictoires », affirme ce cadre de 34 ans, qui concède « avoir la chance de faire partie des Marocains pris en charge par les consulats ».

Comme eux, 31 800 Marocains, en voyage d’affaires, en séjour touristique ou en visite familiale, vivent cet exil forcé, avec de gros contingents en Espagne, en France et en Turquie.

« Incertitude »

Face à la pandémie, le royaume a bouclé ses frontières, suspendu tous les vols et déclaré l’état d’urgence sanitaire, avec un confinement strict renforcé par un couvre-feu nocturne.

Des milliers de touristes bloqués au Maroc ont pu regagner leur pays avec des vols spéciaux vides à l’aller, au grand désarroi de Marocains qui auraient aimé monter à bord pour rentrer chez eux.

Pour se faire entendre, les personnes bloquées ont multiplié les appels à l’aide, avec des sit-in et des campagnes sur les réseaux sociaux. Certains ont adressé une lettre ouverte au roi Mohammed VI : « Nous arrivons aujourd’hui à épuisement de nos ressources financières et notre santé mentale se dégrade », affirment les signataires.

Les consulats ont depuis mis en place des « cellules d’accompagnement » et pris en charge les frais d’hébergement de 6 500 Marocains, selon le gouvernement. Les autres sont livrés à eux-mêmes.

Le bureau de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Paris a récemment alerté sur la « situation de grande vulnérabilité » des « personnes âgées, atteintes de maladies graves ou des parents accompagnés d’enfants en bas âge ».

« Je comprends le fait que le monde entier vive une crise inédite qui requiert des mesures inédites mais le manque de communication de l’État à notre sujet est inadmissible. Nous n’avons aucune visibilité et nous sommes rongés par l’incertitude », confie la journaliste Aida Alami, contributrice au New York Times, partie en France mi-mars pour quelques jours.

« Je pense qu’on sera bloqué jusqu’à l’ouverture de l’espace aérien international », estime-t-elle.

« Scénarios prêts »

Jusqu’à présent, seuls 500 Marocains bloqués dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla ont été autorisés à traverser la frontière à pied après plus de deux mois d’attente. Les premiers sont partis de Melilla, après qu’une Marocaine bloquée dans l’enclave a été retrouvée morte en pleine rue en raison d’une attaque cérébrale.

Ceux qui rentrent sont placés en quarantaine pendant 14 jours et testés, selon les médias marocains.

Face aux capacités d’accueil limitées de la santé publique, la priorité de Rabat a été de limiter le risque de contagion lié au retour de possibles porteurs du virus, selon une source diplomatique marocaine.

« Le retour doit se faire dans les meilleures conditions, sans risque pour le pays et pour ces personnes », déclarait le chef de la diplomatie Nasser Bourita en avril, évoquant un « plan de rapatriement en cours d’élaboration ».

Cette semaine, le Premier ministre Saad-Eddine El Othmani a assuré que les « scénarios » de rapatriement étaient « fin prêts » en espérant que « la bonne nouvelle serait prochainement annoncée ».

« Le Maroc nous a abandonnés (…) Tous les pays ont rapatrié leurs ressortissants et la seule réponse qu’on nous donne c’est que des scénarios sont à l’étude », accuse Yassine. Ce cadre de 30 ans « se trimballe avec sa valise de trois jours » à Paris depuis plus de neuf semaines.

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