Algérie : la présidentielle du 4 juillet compromise, quelles options pour le régime ?

D’un côté, des manifestants qui rejettent la feuille de route pour une présidentielle le 4 juillet, de l’autre, l’annonce de la clôture officielle de dépôt des candidatures ce dimanche. Une sacrée équation.

C’est une situation ubuesque qui est en train d’être secrétée autour de l’élection présidentielle officiellement prévue le 4 juillet. Le décor : alors que les manifestants, encore lors de ce 13e vendredi de mobilisation massive, rejettent catégoriquement la feuille de route du pouvoir en place, des médias officiels annoncent que c’est aujourd’hui 19 mai que sont clôturées les opérations de dépôt de candidature pour la présidentielle du 4 juillet. Cet anachronisme flagrant entre le mouvement populaire qui exige le départ du système Bouteflika et les autorités – civiles et, surtout, militaires – qui s’accrochent au retour rapide au formalisme institutionnel ne cesse d’alimenter les tensions… et les incompréhensions.

Face aux candidatures quantifiées et non nommées…

Le chiffre de 74 dossiers de candidature déposés au ministère de l’Intérieur est communiqué par des médias étatiques pour signifier le semblant de sérieux de la démarche officielle. Or, fait unique dans les annales de la jeune République algérienne, le même effort de communication ne concerne pas la divulgation des noms des prétendants. Et pour cause, le refus populaire de cette présidentielle fait craindre aux 74 candidats à la candidature la répréhension de la rue, de leurs propres voisins ou même de leurs proches !

Trois exceptions à cette omerta : d’abord, Abdelaziz Belaïd, président du Front du futur, ancien patron de l’Union nationale de la jeunesse algérienne (organisation satellite du régime et du FLN), déjà candidat à la présidentielle annulée du 18 avril à la suite des gigantesques marches à travers le pays. L’autre exception est Belkacem Sahli, du parti prorégime Alliance nationale républicaine, et le dernier est le général-major à la retraite Ali Ghediri, qui voulait aussi se présenter à la présidentielle annulée d’avril et qui insiste sur la voie constitutionnelle pour la sortie de crise. « Les gens ne disent pas non aux élections, ils disent non aux élections sous la direction de Bensalah [président par intérim] et Bedoui [Premier ministre] », explique l’ancien haut gradé à un journal algérien. « La solution que je préconise, comme déjà indiqué : qu’on accède à la demande populaire et qu’on renvoie Bensalah et Bedoui, quitte à faire une entorse à la Constitution. »

… pour une présidentielle qui sera difficile à tenir…

Or, le scénario tant défendu par le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah consistant à la tenue de la présidentielle semble de plus en plus aléatoire. Plusieurs maires ont manifesté, ce 13e vendredi, pour exprimer leur opposition à encadrer cette élection. Sur la télévision officielle, un enseignant de sciences politiques a osé déclarer que « plus de 400 communes sur les 1 500 que compte l’Algérie refusent d’encadrer la présidentielle du 4 juillet prochain ». Des magistrats ont également affiché leurs refus de participer à l’organisation de cette présidentielle. Le quotidien El Watan rapporte les explications de ces juges : « Une élection ne se limite pas au jour du vote, il s’agit de toute une logistique et d’une préparation qui débute par la confection des listes électorales et s’achève par la proclamation des résultats. Or, jusqu’à ce jour, les mécanismes et les conditions pour garantir la transparence de l’élection présidentielle sont inexistants. »

Pour le Front des forces socialistes, plus vieux parti de l’opposition, « le rendez-vous du 4 juillet est utopique, plus personne n’y croit », considérant que la présidentielle annoncée n’est « ni démocratique, ni libre, ni transparents ». Le journaliste et analyste El Kadi Ihsane décrète, pour sa part, « la mort clinique du processus du 4 juillet » qui « emprunte le sentier de celle, de début mars, des élections du 18 avril dernier prévues pour poursuivre la présidence à vie d’Abdelaziz Bouteflika ». Quelle alternative reste-t-il alors pour le pouvoir en place ?

Les options sur la table

Depuis quelques jours, l’éditorial d’El Moudjahid, porte-parole du régime, insiste sur la nécessité d’aller vers le « dialogue ». Le 16 mai, le quotidien officiel annonce la tenue d’une « conférence nationale réunissant plusieurs responsables de partis politiques, personnalités et membres de la société civile qui] devrait avoir lieu incessamment pour débattre des possibilités d’une solution consensuelle à la crise politique actuelle ».

Cette mystérieuse annonce, dont ne sont précisées ni la date ni les modalités, serait, selon certaines sources, une « issue de secours » pour remédier à l’échec d’organiser la présidentielle. « Les autorités savent en leur for intérieur que le 4 juillet est un délai impossible à tenir, soutient un cadre de l’opposition. Pour ne pas perdre la face vis-à-vis des opposants et des manifestants, le régime déclarera, après étude des dossiers de candidature par le Conseil constitutionnel [dans un peu plus de dix jours], que les candidats ne rassemblent pas les conditions requises, ou inventera une autre astuce. »

C’est dans ce contexte que trois personnalités de poids, l’ancien ministre Ahmed Taleb Ibrahimi, l’avocat Ali Yahia Abdenour et l’ex-général Rachid Benyelles, ont rendu public, samedi 18 mai, un appel pour réclamer le report de la présidentielle et l’ouverture d’un dialogue direct entre les représentants du mouvement populaire, l’opposition et l’armée. « Nous […] demandons instamment au commandement de l’ANP de nouer un dialogue franc et honnête avec des figures représentatives du mouvement citoyen (Hirak), des partis et des forces politiques et sociales qui le soutiennent, afin de trouver au plus vite, une solution politique consensuelle en mesure de répondre aux aspirations populaires légitimes qui s’expriment quotidiennement depuis bientôt trois mois », écrivent les trois personnalités.

Le même jour, l’éditorialiste Saïd Djaâfar appelle le haut commandement de l’armée à ouvrir le dialogue : « Depuis le vendredi 22 février, il y a un dialogue à distance entre le mouvement populaire et l’armée sur la manière de gérer la transition. Il est temps pour l’armée, qui est le pouvoir de fait, de négocier avec les forces politiques et les acteurs du mouvement populaire, une transition vertueuse.

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