Paléoanthropologie: l’Homo Sapiens est né au Maroc il y a 300 000 ans
Les fouilles entreprises en 2004 sur le site de Jebel Irhoud, dans le nord-ouest du Maroc, ont mis au jour des restes humains qui bouleversent les théories sur l’origine et l’évolution de l’homme.
Qu’est-ce que les paléontologues ont trouvé sur le site de Jebel Irhoud dans le nord-ouest du Maroc ?
En 2004, les fouilles mettent au jour un “nid de restes humains”. Et parmi les découvertes, “une face humaine et une mandibule, probablement la plus belle mandibule d’Homo sapiens d’Afrique”, explique le Français Jean-Jacques Hublin, directeur du département d’Evolution humaine à l’Institut Max Planck de Leipzig (Allemagne) et coauteur des travaux.
Pourquoi cette découverte est-elle si importante ?
Tout d’abord parce qu’elle nous donne un gros coup de vieux : ces restes d’Homo sapiens remontent à 300 000 ans, ce qui fait reculer les origines de notre espèce de 100 000 ans. “Cette découverte représente la racine même de notre espèce, l’Homo sapiens le plus vieux jamais trouvé en Afrique ou ailleurs”, selon Jean-Jacques Hublin, qui précise par ailleurs que si l’homme de Jebel Irhoud portait un chapeau, on ne pourrait pas le différencier de nous. “La face d’un de ces premiers Homo sapiens est la face de quelqu’un que l’on pourrait rencontrer dans le métro”, même si sa boîte crânienne est encore assez différente de celle de l’homme actuel. “Il reste encore une longue évolution avant d’arriver à une morphologie moderne”.
Autre raison pour laquelle cette découverte est primordiale : elle remet en cause la théorie selon laquelle les hommes actuels descendent d’une population qui vivait en Afrique de l’est. Les hommes de Jebel Irhoud détrônent en effet Omo I et Omo II, découverts à Omo Kibish en Ethiopie et datés autour de 195 000 ans.
Qu’est-ce que ça change ?
“Il y a donc eu pendant longtemps plusieurs espèces d’hommes à travers le monde, qui se sont croisées, ont cohabité, échangé des gènes….”, explique Antoine Balzeau, paléoanthropologue qui n’a pas participé à cette découverte mais la qualifie de “très belle”. “On s’éloigne de plus en plus de cette vision linéaire de l’évolution humaine avec une succession d’espèces qui viennent les unes au bout des autres”, poursuit Jean-Jacques Hublin. De nombreux groupes très différents ont donc coexisté, non seulement dans des régions lointaines les unes des autres mais peut-être également dans des régions proches. De nombreux groupes d’Homo sapiens archaïques auxquels s’ajoutent d’autres espèces humaines comme l’Homo erectus, les néandertaliens, les denisoviens, et peut-être les Homo naledi…